"Nous sommes des stars de la pop. Le trap rap, c'est la variété de maintenant. Les oreilles des gens se sont adaptées à ce que nous disons, et à notre manière de le dire". Ces propos, tenus dans le magazine Rolling Stone en juin 2017, sont ceux de l'un des grands gagnants de cette année-là, le vétéran 2 Chainz. Et ils résument assez bien l'état des lieux du rap d'alors. Cette trap music, apparue 15 ou 20 ans plus tôt, a pris tout ce temps pour s'imposer. Elle a d'abord été un sous-genre régional, centré à Atlanta. Elle est devenue ensuite le moteur du rap. Puis elle a été totalement commoditisée. Ce sont ses descendants, des rappeurs aux cheveux colorés et des adeptes du mumble rap qui, en 2017, gagnaient le coeur des adolescents.
Avec eux, il était clair qu'on atteignait la fin d'un cycle. Alors que l'on approchait du terme de cette décennie 2010 dominée par la trap, alors aussi que l'exaltation des dernières années s'émoussait un peu, l'essentiel était à chercher ailleurs. Convaincus qu'il n'était pas chez des Kendrick Lamar et autres, trop tournés vers le passé, fallait-il la chercher en Floride, où sévissaient Kodak Black et de jeunes pousses prometteuses ? Fallait-il voir en la forme retrouvée d'un Lil B ou d'un Chief Keef le signe d'un nouveau départ, pour deux scènes rap vivaces, la Bay Area et Chicago ? Fallait-il explorer une Angleterre qui, avec le grime, ou des formes émergentes comme la UK drill, se portait plutôt bien ? Ou bien fallait-il se pencher sur Detroit, la ville du moment, avec les prolifiques collectifs Doughboy Cashout, Team Eastside, et d'autres encore ? A toutes ces questions, la sélection suivante apporte quelques réponses.
# 16. SADA BABY - Skuba Sada
En 2017, le rap qui compte est à Detroit. Et à Detroit, le rappeur qui compte est Sada Baby. Suite au single "Stacy", ce barbu survolté sort deux projets remarquables, notamment celui-ci, Skuba Sada, où il s'emploie à donner au son véloce et froid qui domine sa ville, le style qui va avec : un rap énergique, sauvage, viscéral, d'une violence excessive, mais nullement rétif aux mélodies.
# 15. JEFE - The World Is Yours
En 2017, Shy Glizzy devient Jefe. Sa musique, cependant, est inchangée : sa formule se base toujours sur le violent contraste entre des paroles toutes en vantardises, et un rap frêle et mélancolique qui à l'inverse sent l'incertitude et la fragilité. Si cette sortie est mineure dans la discographie du rappeur de Washington, la moitié de ses morceaux au moins n'en sont pas moins fabuleux.
# 14. PEEZY - Ballin Ain't A Crime
Peezy, du collectif Team Eastside, livre sur cet album gratuit un rap de flambeur menaçant, héritier lointain de No Limit, mais dans une version plus clinique, plus froide, plus nordique, assez proche de celle des Doughboy Cashout. Ballin Ain't A Crime est l'une des manifestations les plus convaincantes de ce style qui définit alors la ville de Detroit, l'un des plus exaltants centres du rap en 2017.
# 13. MOBSQUAD NARD - Nardo DaVinci
Le rap se portait bien en Floride en cette fin de décennie, au Nord comme au Sud. Mobsquad Nard en était la preuve. Depuis son émergence en 2015 et 2016, ce rappeur de Jacksonville particulièrement intense et habité le confirmait avec Nardo DaVinci, un second projet officiel réussi, auquel il fallait absolument adjoindre la mixtape remplie de freestyles enflammés qui l'avait annoncé, NardoDaVinciOTW.
# 12. CHIEF KEEF - Two Zero One Seven
En 2017, Chief Keef n'était plus la sensation rap du moment, comme cinq années plus tôt, en pleine euphorie drill music. Mais à seulement 21 ans, sa carrière était loin d'être finie, comme le prouvait cette excellente mixtape, moins hargneuse qu'autrefois, mais toujours aussi prenante et musicale. Sortie dès le premier jour de l'année, elle aura été chronologiquement son premier projet rap marquant.
# 11. LETHAL BIZZLE - You’ll Never Make a Million from Grime
Le vétéran du grime, Lethal Bizzle, tardait à sortir son nouvel album : il n'en avait plus proposé depuis 2009. Mais pour nous faire patienter, il proposa en mai 2017 ce qui pourrait bien être le plus cohérent de ses projets long format : un EP ouvert par un "I Win" d'anthologie, où il célébrait sa carrière tout autant qu'il en tirait des leçons, et dont les sept titres, quoique très différents, étaient de qualités égales.
# 10. KOLY P - Rap Game Messiah
Il n’y avait pas que Kodak Black à Pompano Beach. Tout près, Koly P explorait tout comme lui les contrées défrichées autrefois par Lil Boosie. Il était tellement digne du rappeur de Baton Rouge qu’il était devenu son protégé. Et, après s'être fait remarquer en 2016 avec la mixtape The Koly Bible, il confirmait en 2017 avec une autre, Rap Game Messiah, l’un des objets rap les plus remarquables de l’année.
# 09. KENDRICK LAMAR - DAMN.
Kendrick Lamar n’est pas devenu sans raison le chouchou d'une époque : ses textes, intelligents, étaient sertis d'habiles considérations politiques ou références bibliques, et il résumait en lui plusieurs générations de musique black. Mais comme le prouvait ce bon DAMN., ce hip-hop pour un âge adulte, cet Obama rap, gagnait à se concentrer sur l’essentiel : la redoutable adresse verbale du rappeur.
# 08. YOUNG DOLPH - Thinking Out Loud
Young Dolph, c'est le Super Saiyan de la trap music. Plus on s'acharne dessus, plus il devient fort. Avec lui, les rappeurs ne contentent plus de se prétendre invulnérables : ils le sont pour de bon. C'est en tout cas ce que démontre ce projet. Non seulement est-il sorti après, une fois encore, que des gens aient tenté d'assassiner le rappeur : il est aussi l'un des meilleurs jamais sortis par l'intéressé.
# 07. BROCKHAMPTON - Saturation
Le collectif Brockhampton s'est formé sur un forum de fans de Kanye West, et cela s'entend : comme lui, ils sont plus grands que le rap, tentant des incursions en territoire rock indé ou R&B, jouant de la surprise et de l'inhabituel, ayant des ambitions artistiques. Ils sont, à les croire, un boys band, mais un boys band qui contrôle sa création et qui compte représenter pour de bon la société américaine.
# 06. SCOTTY CORLEONE - Mafia Musik 3
Scotty Corleone, c'était en fait Scotty Cain, la figure émergente d'une scène établie depuis longtemps, mais qui profitait comme jamais des feux des projecteurs : celle de Baton Rouge. Il n'évoluait que dans une veine, celle du rap de meurtrier, mais il le faisait avec talent. Il explorait ce style explicitement très agressif, mais subrepticement plein de spleen, qui se montrait souvent le meilleur.
# 05. J HUS - Common Sense
Le rap anglais va bien en 2017. Tout le rap anglais, et pas seulement ce grime qui connait une seconde jeunesse. Le premier album de J Hus le confirme, qui mélange avec adresse, sur le mode blockbuster, toutes les facettes de la musique prisée par les Anglais (grime, dancehall et ce récent UK afrobeats), avec des influences venues de toutes les époques du rap américain.
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# 04. KODAK BLACK - Painting Pictures
Kodak Black, depuis un moment déjà, c'était un projet majeur par an. Et 2017 ne ferait pas exception. Son premier album officiel dévoilait le même rappeur que ses mixtapes : tour à tour nihiliste et impénitent, commentateur social, ou délinquant déprimé, le Floridien était au point de rencontre de tous les registres gangsta, qu'il sublimait par des productions et une oreille musicale au-dessus de la moyenne.
# 03. ICEWEAR VEZZO - Price Goin Up
2017, donc, a été l'année du rap de Detroit. Prince Goin Up en était une énième preuve, qui réunissait tout ce qui rendait le son de la ville irrésistible : ce gangsta rap ardent et viscéral, ces voix agressives et urgentes, cette musique sobre, implacable, rapide et très électronique, cet équilibre parfait entre l'intensité des raps et une mélancolie sous-jacente. Tout était là, sans temps mort ou presque.
# 02. 3 PROBLEMS - Free Rello 2
Les trois problèmes n'étaient plus qu'un. Relly Rell emprisonné et Swagg Huncho assassiné, Lil Tay était le seul à représenter ce groupe. Considéré il y a quelques temps comme le plus prometteur de la mésestimée scène de St. Louis, 3 Problems délivrait en tout cas, avec Free Rello 2, une autre manifestation réussie de ce rap de gangster mélancolique et autodestructeur qui aura été celui des années 2010.
# 01. LIL B - Black Ken
Black Ken avait été annoncé dès 2010. Mais cette mixtape s'est longtemps résumée à sa jaquette, Lil B ayant pris son temps avant de la traduire en musique. Ce n'est qu'en 2017 qu'elle est sortie enfin. Et le rappeur y a mis les formes, faisant de ce kaléidoscope musical un témoignage sur sa carrière, tout autant qu'un hommage au rap de la Baie de San Francisco, avec lequel elle se confond.
LE CLASSEMENT DES LECTEURS
Au diable l'intrusion de la morale en musique. Cette année, les lecteurs de Fake For Real ont su distinguer le rappeur talentueux de l'impardonnable violeur, en couronnant pour la seconde fois Kodak Black, en tant qu'auteur du meilleur album de l'année. Celui-ci en place même deux dans le classement. Seul un autre (un jeune vétéran comme lui) fait mieux, avec trois projets cités : Chief Keef. Le reste est d'une grande diversité, mêlant des Anglais, des Français, des Belges et des rappeurs de tous les coins des Etats-Unis, démontrant que l'on n'avait jamais aussi bien voté, au rituel rodé qu'est désormais le référendum de fin d'année de ce blog.
- KODAK BLACK - Painting Pictures
- KENDRICK LAMAR - DAMN.
- LIL B - Black Ken
- MIGOS - Culture
- ROC MARCIANO - RoseBudd's Revenge
- DAMSO - Ipséité
- CHIEF KEEK - Two Zero One Seven
- 2 CHAINZ - Pretty Girls Like Trap Music
- FUTURE - Future
- KODAK BLACK - Project Baby 2: All Grown Up
- 21 SAVAGE - Issa
- 21 SAVAGE, OFFSET & METRO BOOMIN - Without Warning
- CHIEF KEEF - Dedication
- $HA HEF - Out The Mud
- MOZZY - 1 Up to Ahk
- TYLER, THE CREATOR - Flower Boy
- ARM - Dernier Empereur
- VINCE STAPLES - Big Fish Theory
- YOUNG DOLPH - Bulletproof
- TRIPLEGO - 2020
- MACH HOMMY x KNXWLEDGE - The Spook
- RETCH - Still Up
- GUCCI MANE - Droptopwop
- HOODRICH PABLO JUAN - Designer Drugs 3
- MEEK MILL - Wins & Losses
- SHY GLIZZY - Quiet Storm
- CHIEF KEEF - Thot Breaker
- PLANET ASIA & APOLLO BROWN - Anchovies
- TEE GRIZZLEY - My Moment
- DENZEL CURRY - 13
- ORELSAN - La Fête Est Finie
- SIBOY - Spécial
- DEVIN THE DUDE - Acoustic Levitation
- YOUNG SCOOTER - Jugg King
- 03 GREEDO - First Night Out
- MILO - Who Told You to Think??!!?!?!?!
- KEKRA - Vréel #2
- WILEY - Godfather
- BUTTER BULLETS - Air Mès et Hermax
- YOUNG THUG - Beautiful Thugger Girls
- G PERICO - All Blue
- PAYROLL GIOVANNI - Payface
AUTRES SORTIES NOTABLES
Et maintenant quelques projets divers et variés, certains particulièrement bons, d'autres imparfaits mais notables, grâce auquel nous aurons un tableau un peu plus complet de ce à quoi le rap aura ressemblé, tout au long de l'année 2017.
2 CHAINZ - Pretty Girls Like Trap Music
Le quatrième album de 2 Chainz est le bon. C'est un blockbuster, avec une cohorte incroyable d'invités et une grande variété de sons. C'est aussi un hommage à la trap music, qui couvre toute l'histoire de ce genre, mais qui séduit au-delà grâce à l'habileté verbale du quadra. C'est celui du triomphe. Cependant, c'est aussi un projet tout comme les précédents : inégal, mais avec un petit goût de reviens-y.
03 GREEDO - Purple Summer 03: Purple Hearted Soldier
Il est de Los Angeles, et plus précisément de Watts, mais son style n'est pas local : il couvre l'ensemble du spectre du rap américain contemporain. Grâce à sa production prolifique, 03 Greedo a été l'un des ceux que 2017 aura fait connaître. Et c'est à juste titre. En offrant un nouveau visage à ce rap de gangster déprimé porté sur l'Auto-Tune, il est l'un de ceux qui capturent au mieux l'esprit du temps.
AD & SORRY JAYNARI - Last of the 80's
Pour ce second projet avec le producteur Sorry Jaynari, le rappeur de Compton AD a semblé vouloir ramener sa formule West Coast à la fin des années 80, avant les joliesses g-funk, quand elle était encore abrupte et agressive. Son projet véritable, cependant, était autre : il voulait revenir à un temps où le concept d'album existait encore, et où rien dessus n'était à jeter. Et il n'est pas loin d'y être parvenu.
Arm poursuit sous son seul nom ce qu'il avait déjà entamé l'an passé avec Tepr, sur l'album Psaumes : il actualise sa musique en recourant, entre autres, aux rythmiques de la trap ainsi qu'à l'Auto-Tune. Mais au fond, le Breton est toujours le même rappeur qu'aux débuts de Psykick Lyrikah, l'un des rares en France à savoir pratiquer sans écueils et avec talent une poésie obtuse et philosophique.
Team Eastside encore. Detroit toujours. Parmi les très bonnes choses venues de cette ville, les deux ou trois dernières années, figure ce projet de BabyFace Ray. Comme ses compères, celui-là opte pour un égo-trip gangsta générique, déclamé sur des sons secs et synthétiques. Mais on y entend aussi, plus distinctement qu'ailleurs, le pessimisme, la résignation et la mélancolie du survivant de la rue.
Il n'y a pas de grande scène rap sans rappeuse. Detroit ayant été la plus satisfaisante en 2017, il est revenu à Molly Brazy de nous offrir un pendant féminin au rap de rue soutenu et tendu devenu caractéristique de ces lieux. Et elle s'en est bien sortie sur son premier projet de l'année. Dommage que, plus tard, relocalisée à Atlanta, elle a décidé de s'en affranchir pour avancer dans sa carrière.
CARDI B - Gangsta Bitch Music Vol. 2
Et un palier de plus dans l'irrésistible ascension de Cardi B. Avec cette seconde mixtape, l'ancienne stripteaseuse atteint son objectif : démontrer, au-delà de son personnage public que l'Amérique a découvert à la télé et sur les réseaux sociaux, qu'elle est aussi un rappeuse crédible. Ce projet ne révolutionne certes rien dans le rap, ni dans la posture des femmes dans cette musique, mais enfin, il est réussi.
Le rap français n'est convainquant que dans deux cas. Quand il assume pleinement ses influences américaines, quand il les comprend et qu'il les assimile. Ou bien, tout ou contraire, quand il se nourrit de l'héritage de la variété française, comme Chilla sur cet EP. Excessivement propre et moral, proposant de la chanson à message, des confessions intimes et des leçons de vie, il est aussi très réussi.
CupcakKe nous offre un album dans le droit fil des trois projets qui l'ont révélée en 2016 : elle pousse le dirty rap au bout de sa logique. Social, extrêmement moral et même très pop sur certains titres, le rap de la reine des chiennes Elizabeth Harris se montre pourtant plus grand public qu'on aurait pu l'imaginer, soulignant à quel point la pornographie, dans le rap et au-delà, est aujourd'hui vulgarisée.
DEVIN THE DUDE - Acoustic Levitation
En 2017, Devin the Dude est l'exemple même du rappeur qui vieillit bien. Si on lui pardonne ses moments de torpeur, ce nouvel album nous convainc à nouveau avec son rap cool et chaleureux, et les paroles souvent humoristiques du Texan, dédiées pour l'essentiel au sexe et aux joints. Tout juste détecte-t-on maintenant, chez ce presque quinquagénaire, une pincée légère de sagesse et de désillusion.
Il y a toujours eu du hip-hop à Los Angeles, et celui-ci, du fait de la centralité de la ville, a souvent attiré les regards. La génération 2017, cependant, mérite une attention spéciale, notamment celle représentée par 03 Greedo, tout comme par son compère Drakeo The Ruler qui, avec son rap hors-beat rempli de mots marmonnés à voix basse, ouvre une voie originale dans la longue tradition locale.
Detroit encore et toujours, avec un rappeur qui pourrait bien représenter la quintessence même du style local : sur une musique rapide et sèche produite pour partie par l'incontournable Helluva, FMB DZ, tout juste rescapé d'une fusillade, livre un rap de rue âpre, oppressant et sans concession. Il nous offre ainsi le rap le plus rapide et le plus urgent de l'année, un rap prenant comme s'il était né d'hier.
Malgré tout le plaisir qu'il y a à voir, depuis sa sortie de prison, un Gucci Mane heureux et célébré pour ce qu'il est, le grand parrain du rap contemporain, il faut bien admettre que ses projets récents sont un peu fades. Leur saveur n'est plus aussi durable qu'avec la tripotée de mixtapes qu'il proposait vers 2006-2010. Même si l'un d'eux, sorti un an pile après sa libération, s'élève au-dessus du lot.
De la vague belge qui sévit en France, retenons Isha. Même si le nom est neuf, l’ancien Psmaker rappe depuis 15 ans. Et son projet, La Vie Augmente Vol. 1, témoigne de ce mélange d’expérience(s) et de modernité. Le Bruxellois, quelque part, y fait le bilan de la première partie de son existence, mêlant sur ce projet réussi la rage de la jeunesse, et la quiétude amère de celui qui a beaucoup vécu.
Avec ce Rap Album Two, le Californien Jonwayne rompt son voeu de silence. Après avoir cru combattre son alcoolisme sévère en abandonnant la musique, l'un des rappeurs et producteurs les plus notables des soirées Low End Theory, nous propose l'une de ses meilleures oeuvres. En optant cette fois pour la confession, il s'est ouvert un chemin vers la rédemption, autant musicale que personnelle.
LIL BABY - Counted Up in the Dark
On sait peu de chose sur Lil Baby, si ce n'est qu'il vient de la scène rap la plus excitante de 2017, celle de Detroit, et qu'il a proposé, avec Counted Up in the Dark, l'un des projets récents emblématiques de la recette locale : une musique de délinquant patenté, faite de sons rêches et secs, d'une rythmique clinique et véloce, mais parcourus aussi d'une certaine lassitude, d'un fatalisme mélancolique.
PAYROLL GIOVANNI & HELLUVA - Payface
Rien de plus générique que le rap de Payroll Giovanni, avec son thème unique, le commerce de la drogue, avec ses hymnes de rue entrecoupés de joliesses R&B, avec même cette référence totalement cliché au film Scarface. Et pourtant, le membre le plus remarquable des Doughboy Cashout continue à convaincre, avec son rap sobre, propre et véloce, comme sur cette collaboration avec Helluva.
Très attendu, le premier Playboi Carti contient un titre extraordinaire : "Magnolia". Le reste n'en est, dans l'ensemble, qu'une déclinaison. Mais l'essentiel est ailleurs. Avec ce mumble rap dont il est le représentant ultime, en jouant autant du registre adolescent des rappeurs aux cheveux colorés, que d'une bizarrerie héritée de son passage chez Awful Records, Playboi Carti incarne l'Atlanta d'aujourd'hui.
Avec son arrivée chez Roc Nation, Rapsody a changé de dimension. Cet album de rap adulte et "lyrical", ancré dans la culture afro-américaine, dans le long héritage des musiques noires et dans le classicisme hip-hop, imprégné de conscience sociale, et néanmoins relativement en phase avec son époque, lui a permis pour de bon de devenir le pendant féminin de son vieux collaborateur : Kendrick Lamar.
Nadia Rose se dit hautement inflammable. C'est exactement ce que démontre la Londonienne sur cet EP. Elle est en feu, et cela se concrétise par des égo-trips pleins de bons mots et déclamés à toute allure. Cela se traduit aussi par un tempo rapide et bondissant, somme toute logique pour une jeune femme qui, en plus d'être la cousine de Stormzy, se trouve être la fille d'un DJ de dancehall.
KODIE SHANE - Big Trouble Little Jupiter
Kodie Shane, c'est la fille de la Sailing Team, la bande de joyeux drilles aux cheveux colorés du rappeur Lil Yachty. Et elle n'est pas la moins intéressante du lot, comme le prouvaient les perles que contenait cette mixtape courte, mais versatile et variée, qu'elles soient des hymnes rap hédonistes et farfelus typiques de l'Atlanta d'aujourd'hui, ou des choses R&B plus introspectives.
SADA BABY - D.O.N. - Dat One Nigga
Grâce à quelques autres titres d'anthologie, le second projet sorti par Sada Baby en 2017 démontrait qu'il était décidément le rappeur de l'année. Non seulement y entendait-on encore l'homme halluciné de Sada Baby. Sur deux parties distinctes, Casada Sorrell y dévoilait aussi ses deux alter egos : Skuba Steve le rappeur survolté, et Skuba Ruffin le chanteur rempli de vague à l'âme.
Le quartet SOB X RBE a été l'une des sensations 2016-2017 de la toujours très active Baie de San Francisco. Et avec ce premier album, fait de 12 titres choisis avec discernement, de quatre rappeurs allant d'un style hargneux à des chantonnements quasi R&B, et des sonorités mêlant en un tout très moderne quatre décennies de sons rap, le groupe a pleinement légitimé son succès local.
"Cette histoire ne finira pas, jusqu'à ce que je sois enterré", Tay Blood proclamait-il par bravade, sur le titre "Bishop". Et c'est ce qui a fini par arriver, bien trop tôt. Comme d'autres de ses confrères, le rappeur à la voix rauque a été assassiné en 2019, laissant derrière lui cet objet, Diary of Me, une autre pièce à rajouter à la longue liste des albums remarquables du rap de Detroit.
Assumant pleinement son statut, celui de père fondateur du grime, Wiley n'aura jamais été aussi près de la consécration qu'en 2017. Cette année-là, le Londonien est revenu sur son parcours avec une autobiographie, Eskiboy, il a été annoncé qu'il serait bientôt décoré de l’Ordre de l'Empire britannique et il a sorti l'un de ses albums les plus solides, nommé très pertinemment Godfather.
XXXTentacion ne cherche pas à faire du rap. Il en use pour faire part de sa dépression et de ses envies suicidaires. Il l'utilise comme un moyen, comme il le fait de ses chants, pianos et guitares acoustiques, sur cet album fragile, court et bancal, sur cette sortie si peu destinée à la consommation de masse et qui sera pourtant un immense succès générationnel, tout comme son œuvre majeure.
On devrait essayer de tuer Young Dolph plus souvent. Après être sorti indemne d'un guet-apens où pas moins de 100 balles ont été tirées, le rappeur de Memphis a sorti un album, son deuxième seulement, qu'il a consacré presque exclusivement à cet événement. De façon crâne et éclatante, il s'y affirme invulnérable ; bulletproof, à l'épreuve des balles, tout comme le véhicule qui lui a sauvé la vie.
A l’heure où la trap music est devenue la normalité du rap grand public, Young Scooter ne figure pas parmi ceux qui ont décroché la timbale. Celle-ci revient plutôt à ses amis et proches. Mais avec ce très bon Jugg King, en restant fidèle au format mixtape, en continuant à dérouler au mètre ses paroles de dealer de drogue, d’un phrasé insidieusement mélodique, il est celui qui en préserve le goût.
La deuxième édition de la série Slimeball contient le single du succès, "EA", que Young Nudy délivre avec son cousin 21 Savage. Pour le reste, c'est la même formule que sur toutes les autres de ses sorties, soit une après-trap noire, brutale et nihiliste, des histoires d'armes, de violence et de meurtre déclamées d'une voix noueuse sur les boucles nonchalantes et étranges de Pi'erre Bourne.
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