Un Peezy peut en cacher un autre. Alors que le buzz monte autour d'OMB Peezy, c'est un autre, Team Eastside Peezy (suivons donc cette nouvelle mode qui consiste à précéder le nom d'un rappeur de celui de son collectif – parlerons-nous bientôt de WTC Raekwon ?) qui mérite toute notre attention. Celui-ci a sorti, avec Ballin Ain't A Crime, l'un des projets les plus remarquables de 2017. Contrairement au jeune natif de l'Alabama, cependant, ce Peezy-là a de la bouteille. Son collectif, basé à Detroit, fait parler de lui depuis le début des années 2010. Et à presque 30 ans, Phillip Glen-Earl Peaks (son vrai nom) a déjà plusieurs albums ou mixtapes à son actif, parmi lesquels Mud, Sweat & Tears, un projet sorti en 2015, son plus remarqué à ce jour.
La sortie de Ballin Ain't A Crime a été précédée d'un fait divers. Fin 2016, en effet, Peezy s'est fait coffrer avec d'autres membres du gang 6 Mile Chedda Grove, pour association de malfaiteurs. Le titre s'affiche donc comme sa ligne de défense : "ballin'" (étaler ses goûts de luxe), n'est pas un crime en soi. C'est exact, mais les moyens employés pour y parvenir pourraient bien l'être, à lire entre les lignes le texte du morceau éponyme. Ce dernier, l'un des meilleurs de cet album gratuit, est par ailleurs une introduction parfaite au style du rappeur : dans un genre proche de ses voisins (et collaborateurs occasionnels) de Doughboyz Cashout, Peezy donne dans un rap de flambeur menaçant, héritier lointain de No Limit (on y entend toujours les fameux "uhh" de Master P), mais avec des beats secs, nets, propres, plus froids et plus cliniques, plus nordiques en somme, et des nappes de synthé quant à elles très actuelles.
Quelques passages sont plus mous, comme le rap sous Auto-Tune de "Session Litt", ainsi que "Eastside", un titre grand écran en présence de Jim Jones (et d'un Philthy Rich qui confirme les liens forts de Peezy avec la Bay Area). Mais dans l'ensemble, c'est la formule de "Ballin Ain't A Crime" qui domine sur la mixtape du même nom. C'est la même musique véloce qui soutient les autres titres marquants. C'est aussi, malgré les nombreux invités, le débit implacable de Peezy. Ce sont les mêmes envies de richesse, les mêmes contes sur les rivalités de la rue, entrecoupés de quelques considérations machistes sur les filles ("All Over", "Soaking Wet"...).
Ce projet, toutefois, a ce qu'il faut pour ne pas être répétitif. Les cloches et les touches de piano du formidable "Against All Odds", les nappes de "Regardless", le rap à guitare de "Soaking Wet", les changements de rythmes d'un "I Got Mo", la boucle sans répit du saisissant "Neverseen B4" ou la trap music triste de "All Over" (un des titres avec Babyface Ray, autre membre remarquable de la Team Eastside), toutes ces variations qui s'enchainent, jusqu'à la conclusion soutenue qu'est "Everybody", un autre tube, concourent à parfaire une recette devenue synonyme du Detroit d'aujourd'hui, et l'une des plus exaltantes dans le rap contemporain.
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