"Je vais sucer 2017 bites en 2017". Voici ce qu'Elizabeth Harris, depuis cette année, prétend sur son profil Twitter. Nulle surprise, donc, si ce qui se présente comme son premier album (voire le second, selon les versions) est fait du même bois que les trois projets successifs (Cum Cake, S.T.D., Audacious) qui l'ont révélée en 2016. Sur Queen Elizabitch, une fois encore, la rappeuse de Chicago joue d'une pornographie à faire passer Lil' Kim, l'un de ses modèles revendiqués, pour une Sainte Nitouche : "CPR", par exemple, est un titre plein d'humour dédié à sa passion du sexe ("j'ai trois trous pour lui, comme un bretzel", "je suis si souvent en levrette que je dois aller chez le véto", etc...), avec bruits de succion et cris de jouissance en prime ; et sur "Cumshot", elle attend de son partenaire, avec avidité, qu'il éjacule dans tous ses orifices.
Les paroles outrancièrement explicites de Queen Elizabitch ne doivent cependant tromper personne : le rap de CupcakKe est tout à fait grand public. Si quelques titres comme "Author", "Quick Thought" et le menaçant "Tarzan" usent de sons électroniques répétitifs et angoissants proches de la drill music (une influence attendue de la part de cette ancienne camarade de classe de Chief Keef), il y a dans les mélodies de la rappeuse, comme avec le diss track "33rd" et les très sautillants "CPR", "Biggie Smalls" et "Cumshot", une envie de séduire une audience très large. Harris, en fait, rayonne déjà hors des cercles rap habituels, comme le montre sa présence sur la dernière mixtape de la Britannique Charli XCX, ou son statut d'égérie chez les homosexuels. Avocate de la cause LGBT depuis son titre du même nom, elle s'est d'ailleurs récemment distinguée en offrant une chambre d’hôtel à un jeune fan gay chassé de chez lui.
Car toute cochonne qu'elle soit, et malgré ses accès de fureur, CupcakKe est une gentille. A y regarder de plus près, son rap est même excessivement moral. "Biggie Smalls", l'un des titres les plus pop de l'album, est une ode à toutes les formes de corps, et une dénonciation virulente des canons de beauté édictés par les médias. "Barcodes", quant à lui, proclame le droit pour les femmes de contrôler leur sexualité, fut-elle strictement dédiée au plaisir physique. La rappeuse cultive aussi une certaine fibre sociale, gage de respectabilité auprès de la critique établie. Dès le premier titre, "Scraps", elle nous parle des malheurs du monde. Elle nous décrit de manière crue la pauvreté dans laquelle elle a grandi (adolescente, la rappeuse a été sans domicile fixe) et elle crache son venin sur son père absent. Elle propose aussi, avec un nouvel épisode à sa série des "Reality", une certaine forme de reportage social, restitué a cappella.
Queen Elizabitch, comme les autres projets de CupcakKe, raconte toujours cette vieille histoire, celle de la libération des opprimés (les pauvres, les Noirs, les femmes, les moches...), mais avec pour trait distinctif cette banalisation du sexe qui est une caractéristique de notre époque.
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