Avec son dernier album, Arm avance sous son seul nom. Il ne s'agit plus, comme pour son projet précédent, d'une collaboration avec son vieil ami Tepr. Et pourtant, ces deux sorties se ressemblent. Dernier Empereur est comme une suite à Psaumes. Comme lui, il actualise la formule employée par Arm, usant de rythmes trap, de l'Auto-Tune et des ambiances éthérées du cloud rap. On y entend à nouveau des tonalités plus proches des musiques électroniques que du rap, comme les nappes somptueuses de "Dernier Empereur" et de "Premiers Rayons", ou les sons virevoltants de "De Passage", et on y retrouve un goût certain pour les crescendos.
L'autre constante de Dernier Empereur, c'est le rappeur breton lui-même. Depuis ses débuts au sein de Psykick Lyrikah, il y a une quinzaine d'années déjà, il a toujours affiché une prédilection pour des textes sophistiqués, souvent même obtus, qu'il récite sur un mode proche de la spoken poetry, avec une cérémonie et une gravité amplifiées par sa manière caractéristique d'appuyer les consonnes. Le premier titre, "Roule", est typique de cette abstraction, avec ses allures d'égo-trip intello. Il est un poème un peu précieux, mais goinfré de références à la science-fiction, d'Akira à Blade Runner. Arm concilie haute et basse culture. S'il sample Booba par exemple, comme sur "Premiers Rayons", c'est que ce dernier cite le Christ.
Comme toujours, ses textes visent à évoquer, plutôt qu'à dire, même si des thèmes émergent ici et là, plus proches de considérations philosophiques que des préoccupations terre-à-terre habituelles au rap. Arm nous parle de fugacité et de la fuite du temps ("De Passage"), de la nécessité de poursuivre son chemin et de prendre de la hauteur ("Roule"), il exhorte à rester indépendant et à suivre ses propres règles ("Nouveaux Héros"). Il évoque en quelques mots son amour pour son fils ("Si"), puis l'amour tout court, fut-il conclu par une rupture ("Ta Main"). Et, en fil rouge de ses morceaux, il semble tirer un premier bilan de sa vie, dans un mélange d'amertume et de persévérance, comme sur le final "La Lumière", un temps fort de l'album.
En fait, notre rappeur est fidèle à lui-même. Il ne s'émancipe pas de son passé, mais il apprivoise le présent. Il intègre le son de l'époque à un parti-pris artistique qui était déjà celui de Psykick Lyrikah. Il lui a trouvé une place dans son univers, comme le prouve le meilleur titre de Dernier Empereur, l'admirable et mélancolique "Ta Main". Comme il le dit lui-même sur le pénultième morceau, ce sont d'autres chemins, mais toujours la même route. Avec Arm, plus ça change, et plus c'est pareil. Et qui donc s'en plaindra, puisque ça fait 15 ans que c'est bien ?
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