Même si c'est paraît-il là-bas, pour la première fois, qu'une radio aurait diffusé "Rapper's Delight", St. Louis n'est pas la première scène à laquelle on pense quand il est question de rap. Elle a pourtant eu son heure de gloire, au tout début des années 2000. Grâce au succès de Nelly et de son Country Grammar, la ville était apparue sur les écrans radar. Et d'autres, comme le groupe de Nelly St. Lunatics, mais aussi Chingy et J-Kwon, avaient profité quelques temps d'une attention nationale. Mais depuis, celle-ci est retombée. La seule personnalité à en être récemment issue, Metro Boomin, est associée plutôt à la scène d'Atlanta. Cependant, St. Louis n'a jamais cessé d'être une ville de rap, comme devrait le prouver ce Free Rello 2.
Ces 3 Problems qui en sont les auteurs, des pointures dans leur ville depuis leurs débuts vers 2012, ont déjà attiré l'attention. C'était en 2015, avec leur mixtape A Problem Story. Ces trois cousins avaient alors eu droit aux égards de Ben Westhoff, l'auteur du (recommandable) livre Dirty South. Et grâce à un correspondant local, on avait parlé d'eux dans le magazine Rolling Stone. Mais entretemps, plusieurs événements ont ébranlé le trio, réglant de manière expéditive deux des trois problèmes : Relly Rell, en effet, fut incarcéré pour 10 ans pour une série de méfaits, dont son implication dans un meurtre (il est le Rello du titre) ; et, plus tragiquement encore, Swagg Huncho fut liquidé par balles, quelques jours avant ses 19 ans…
Si bien qu'aujourd'hui, ces 3 Problems se résument à une seule personne, Lil Tay. C'est à lui de porter la musique de son groupe et de sa ville, une musique, on le devine avec leur parcours, marquée par le désœuvrement et par la violence urbaine. St. Louis est en effet l'une des villes les plus meurtrières des Etats-Unis (la seconde après Detroit, d'après le magazine Forbes), et sa population afro-américaine y est particulièrement marginalisée. C'est d'ailleurs dans sa banlieue, à Ferguson, qu'a eu lieu l'affaire Michael Brown, un jeune Noir abattu par un policier blanc. St. Louis est, en quelque sorte, une réplique de Chiraq. En pire. Il est donc logique que le style local rappelle fortement la drill music. Comme le genre phare de Chicago, sa musique est âpre et hostile, mais avec un sens aigu de la mélodie, et un rap marmonné et chantonnant, porté souvent par l'Auto-Tune. Et elle s'inscrit comme elle dans un arrière-plan menaçant, brutal et criminel, comme le montrent ces vidéos où des armes sont pointées vers la caméra.
Cette deuxième édition de Free Rello (la première était sortie en 2015, juste après la mort de Swagg Huncho), qui s'ouvre et qui se clôt par quelques mots de Relly Rell depuis sa prison, en est la preuve. Pour citer quelques-uns des morceaux les plus saillants, "Ride 4 My Brothers" exalte l'esprit de clan, tout comme "For My Hustlers" et, en version R&B, "My Niggas". Et l'entêtant "Devil Want My Soul" est un superbe concentré de paranoïa, d'agressivité et de deuil pour les amis assassinés. Tous les titres, en fait, sont faits de ce mélange d'immoralité, de gangstérisme invétéré, d'autodestruction et de mélancolie profonde qui aura été la grande tendance du rap des années 2010. Avec Free Rello 2, Lil Tay y apporte sa contribution, en même temps qu'il rappelle qu'il faut compter également avec la scène de St. Louis.
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