Cela fait un moment déjà que Maxwell Ansah, alias Lethal Bizzle, occupe une place dans le monde du grime. Il était déjà actif au tout début des années 2000, au sein du More Fire Crew, un collectif qui, en 2002, sortit l’un des premiers tubes du genre, "Oi!". Puis ensuite, en solo, il sortit d'autres singles remarqués, comme "Pow" (ou "Forward Riddim"), en 2004, un morceau enregistré avec une dizaine d’autres rappeurs, et un nouveau carton, malgré une censure imposée du fait de son contenu violent (et de sa propension à déclencher des bastons quand il était joué en club). Comme beaucoup de ses collègues, cependant, le Londonien est davantage un artiste à singles qu’à albums. Après 2009, il n’en sortit aucun, et il fallut attendre You’ll Never Make a Million from Grime en 2017 pour qu’il connaisse son plus grand succès sur long format.
Cet EP était censé n'être qu’un en-cas, destiné à faire patienter les fans avant le prochain album de Lethal Bizzle, un Lennox Rd qui, à ce jour, se fait toujours attendre. Mais il a reçu un bon accueil, et ce n'est pas sans raison. D'un format resserré, il est très cohérent, se présentant comme une suite de réflexions sur sa carrière. Celle-ci, le rappeur commence par la célébrer sur le tube de cet You’ll Never Make a Million from Grime, un "I Win" entonné toute trompette dehors avec le principal bénéficiaire de la récente résurgence du grime, Skepta. Les deux vétérans vantent ici leur réussite. Ils le font avec éloquence et éclat, incluant, pour Lethal Bizzle, des allusions aux titres qui l'ont lancé, "Pow" et "Oi!". C’est la même morgue qu’il déploie sur le titre suivant, "London", quand il évoque ses débuts de petite frappe des bas-fonds londoniens. C’est encore la fierté qui domine sur "Celebrate", avec le refrain du chanteur Donae'o. Et quand il ne se réjouit pas de son succès, Lethal Bizzle s’enthousiasme sur son corollaire, les filles, avec Mostack sur "Hold U", un titre qui se présente évidemment comme le plus dancehall de tous.
Le titre de cet EP (tu ne gagneras jamais de million en faisant du grime) peut être interprété comme la revanche d’un rappeur à qui on promettait la galère. La pochette où il parade, hilare, au volant d’une voiture de luxe, va dans ce sens. Mais il peut aussi être pris au premier degré, comme une leçon sur les difficultés du métier de rappeur. Lethal Bizzle, en effet, a eu un parcours assez long pour savoir que le succès ne vient pas seul. Aussi se pose-t-il en sage sur l’atmosphérique "Million Pound Dream", quand il conseille de poursuivre ses rêves plutôt que de chasser les millions. Et sur le conclusif "Dear Rich, Thank You", avec Melissa Steel, il n’oublie pas d’honorer celui qui a cru en lui et lancé sa carrière (et celle de tant d’autres), un Richard Antwi désormais décédé. Ainsi Lethal Bizzle fait-il le bilan d'un parcours entamé il y a 15 ans, ainsi en aborde-t-il chaque facette, sur ce qui pourrait être sa sortie la plus solide à ce jour.
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