Pendant longtemps, comme d'autres villes du Midwest, Detroit a été associée au hip-hop de backpacker. Son rap est longtemps provenu d'une scène battle, celle dont est issu Eminem et qu'il a présentée dans 8 Mile. Ou bien il a privilégié la démarche d'esthète et d'expérimentateur incarnée par J Dilla. Avec entre les deux des gens tels que Royce da 5'9", Elzhi, Black Milk, Guilty Simpson, Apollo Brown ou la rappeuse Invincible, tous fidèles au bon vieux boom bap.
Même les plus extravagants des rappeurs de Detroit, par exemple Danny Brown, sont issus de cette tradition. Tout juste relève-t-on l'existence parallèle, dans la région, d'une filière horrorcore et grand-guignol emmenée très tôt par Esham, et représentée ensuite par le Insane Clown Posse, voire, dans la ville voisine de Flint, par la Dayton Family.
En marge de ces tendances, cependant, dans les quartiers chauds de Detroit, s'est développé au début des années 2000 un rap de rue plus spécifiquement gangsta. Le point de départ de cette aventure a sans doute été Rolees Don't Tic Toc, un projet des Street Lord'z Platinum où apparaissaient des stars californiennes telles que Daz Dillinger et Too $hort.
Plus viscérale, plus abrupte, plus dangereuse, cette scène est marquée dès ses débuts par la violence. Elle oppose alors les collectifs Street Lord'z Chedda Boyz et Eastside Chedda Boyz, et elle emporte le pionnier de cette scène, le rappeur Blade Icewood, paralysé après une attaque à l'arme à feu en 2004, puis assassiné quelques mois plus tard, en avril 2005.
C'est cette école qui, dans la seconde moitié de la décennie 2010, sort du ghetto, représente Detroit, et en fait l'une des scènes rap les plus exaltantes du moment. Cette émergence, progressive, s'accélère quand les rappeurs nettement plus notoires d'Atlanta se mettent à coopter les artistes du cru.
Dès 2013, Jeezy signe sur son label CTE World les Doughboyz Cashout. Quelques années plus tard, son vieux rival Gucci Mane prend la suite en accompagnant Icewear Vezzo sur "Angel Wings". A la fin des années 2010, Lil Baby sympathise avec 42 Dugg et l'invite à rejoindre son propre label. Puis c'est au tour de Lil Yachty de se prendre de passion pour cette scène. Il collabore alors avec certains de ses acteurs et il sort avec plusieurs l'album Michigan Boy Boat.
Entretemps, des ressortissants de Detroit commencent à toucher un large public. Le premier franc succès de cette scène est sans doute "First Day Out" fin 2016, qui vaut à son auteur, Tee Grizzley de rejoindre 300 Entertainment et la major Atlantic Records. D'autres tubes lui succèdent, tel que le "Bloxk Party" de Drego et de l'halluciné Sada Baby.
Les rappeurs de Detroit, qui vivaient autrefois en circuit fermé et diffusaient leur musique sur CD, profitent alors du format streaming. Celui-ci les rend tout à coup visibles en dehors de leur ville, il leur donne accès à un public bien plus large. Il dévoile une effervescence et une profusion de talents, qui rappellent l'Atlanta des décennies précédentes.
Cette scène exploite aussi des liens construits de longue date avec la Californie, comme le prouvent ses nombreuses collaborations avec Philthy Rich, le rappeur de la Bay Area (notamment son projet commun avec Peezy, East Side), ou encore ce fabuleux morceau de Lonnie Bands, "Detroit to Inglewood", où se succèdent des rappeurs des deux bords. Une forte parenté avec le son de Detroit s'entend d'ailleurs parfois chez les rappeurs californiens, par exemple SOB x RBE.
Une étape supplémentaire est franchie au début des années 2020. Les majors s'intéressent alors de plus en plus aux artistes de Detroit, pendant que ces derniers cherchent le succès en diversifiant leurs sons. C'est ainsi, en 2022, que BabyTron et BabyFace Ray se retrouvent parmi les "Freshmen" du magazine XXL, qui chaque année met en avant les nouveaux chouchous de l'industrie. Au même moment, connus ou pas, des rappeurs d'ailleurs s'inspirent du son de Detroit.
Ce son de Detroit, c'est un cousin de la trap ou de la drill music, mais plus directement influencé par les vieilles sorties du label No Limit. C'est très visible chez les Doughboyz Cashout et leur leader Payroll Giovanni, tant dans les sons que dans l'imagerie bling bling. Il se distingue aussi par un rap souvent franc et direct, loin des chantonnements sous Auto-Tune prisés par ses contemporains, par des boucles de piano nerveuses, ainsi que par un son sec, brusque, électrique, où certains reconnaissent l'influence de la techno née dans la même ville, mais dont la source est plus probablement la freestyle music, une pop synthétique des années 80.
Côté paroles, les rappeurs de Detroit convoquent les thèmes gangsta ordinaires, l'argent, la richesse, la violence, le sexe, la drogue, avec pour certains comme Teejayx6, Kasher Quon, les ShittyBoyz et les gens du BandGang, une passion toute particulière pour le "scam", l'arnaque à la carte bancaire.
Le rap du cru, en effet, ne s'est pas départi des activités criminelles qui ont autrefois coûté la vie à Blade Icewood. Plusieurs autres rappeurs subissent le même sort, comme Doughboy Roc des Doughboyz Cashout en 2017. Et en 2020, ce sont Jizzle P et Paid Will qui sont emportés par les balles, deux représentants de BandGang, un collectif dont le nom n'a rien de fortuit : en accolant les termes de "groupe" et de "gang", il reflète une réalité. La scène de Detroit n'est pas la seule à brouiller la frontière entre le crime et le rap, loin s'en faut. Mais c'est particulièrement marqué chez elle.
Parler d'un style de Detroit, cependant, n'est pas pertinent. Depuis que Peezy a fait connaître Rio da Yung OG, et avec lui tous ses compères de la ville de Flint, des rappeurs souvent solidement armés d'une bonne dose d'humour noir et pince-sans-rire, il ne faut plus parler du rap de Detroit, mais plutôt de rap du Michigan. D'autant plus que d'autres scènes issus du même Etat, par exemple celle de sa seconde ville, Grand Rapids, se joignent à la fête avec des personnalités telles qu'AK Bandamont et le producteur Wayne616.
Par ailleurs, cette musique évolue, et ses incarnations sont très variées, des contorsions épileptiques de Sada Baby aux murmures de Baby Smoove, en passant par les miaulements d'obsédé sexuel d'YN Jay. C'est précisément de cette diversité que l'article qui suit veut rendre compte, en s'attardant sur les grands acteurs de Detroit, de Flint et du reste du Michigan, et, pour chacun d'eux, sur une œuvre de référence.
Originellement publié en 2021, cet article a été enrichi, corrigé et mis à jour plusieurs fois, et il continuera à l'être.
DOUGHBOYZ CASHOUT
Au fondement du rap de Detroit, il y eut d'autres collectifs capitaux, comme les Street Lord'z Chedda Boyz et les Eastside Chedda Boyz une décennie plus tôt. Mais c'est avec les Doughboyz Cashout, via leur association avec Jezzy, que le monde commence à prêter attention à toute cette scène.
C'est par eux que l'on a découvert la scène de Detroit, quand ils se sont associés à Jeezy et qu'ils ont sorti la mixtape We Run The City 4. Mais comme son titre l'indique, celle-ci n'est alors pas un coup d'essai. Dès la fin des années 2000, nés des groupes Doughboyz et Cashout Rich Niggas, les Doughboyz Cashout sévissaient déjà dans les bas-fonds.
Album à retenir : We Run The City 4
Payroll Giovanni est le membre le plus essentiel des Doughboyz Cashout. Il est devenu visible au-delà de Detroit en collaborant avec le producteur Cardo (Kendrick Lamar, Drake, Migos...), mais ses meilleures sorties sont celles où il reste le plus fidèle au son dur et rude de sa ville, comme Stack Season, qui est aussi un grand classique de cette scène.
Album à retenir : Stack Season
Mais aussi : Dre, Big Quis, HBK, Scooch, Freddy K
BANDGANG
Il faudra encore quelques années pour qu'ils deviennent visibles au-delà de leurs bases, mais dès le milieu des années 2010, avec le single "BandGang Or No Gang" et une flopée d'albums, les très jeunes membres de BandGang s'imposent comme le collectif au centre du nouveau son de Detroit.
Fondé en 2008, BandGang est un collectif rap capital à Detroit. Comme son nom l'indique, tout comme la disparition violente de plusieurs membres, il semble parfois confondre activités criminelles et musicales. En ce qui concerne ces dernières, toutefois, Masoe, Paid Will, Javar, Biggs et l'excellent Lonnie Bands ont tous assuré, ensemble comme en solo.
Album à retenir : In Too Deep
Au milieu des années 2010, alors que BandGang s'affirme dans la ville, Biggs est au centre du jeu. Il est le cousin de Javar et de Lonnie Bands, Paid Will est son meilleur ami, et son solo Biggs Campaign, où l'on entend ses comparses tout autant que B-Legit, Rich the Kid et Young Buck, appartient à la salve d'albums remarquables que sort alors le groupe.
Album à retenir : Biggs Campaign
BandGang Javar, alias Javar Escobar, Devon Willis de son vrai nom, est l'un de membres du sextet, ainsi que l'un de ses fondateurs. Moins en vue que Masoe, Paid Will ou Lonnie Bands, il est passé à l'arrière-plan avec le temps, mais il se rappelle parfois à notre bon souvenir, comme avec le très bon The Scamily, son album commun avec le dernier cité.
Album à retenir : The Scamily
Quand BandGang se fait remarquer au milieu des années 2010 avec le single "BandGang Or No Gang", Lonnie Bands ne figure pas sur la vidéo. Mais il se rattrape quelques temps plus tard. Autour de l'année 2020, mis en avant par des sorties telles que KOD ou Hard 2 Kill avec sa voix noueuse parsemée de sifflements, il devient la vraie star du collectif.
Album à retenir : KOD
Mais aussi : Masoe, Paid Will, Jizzle P
TEAM EASTSIDE
Alors que les Doughboyz Cashout règnent sur l'ouest de Detroit, leurs concurrents de la Team Eastside, qui émerge au début des années 2010, prétend en représenter la partie est. Emmenée par Peezy, elle abrite quelques-uns des rappeurs les plus visibles de la ville, tels que BabyFace Ray.
Peezy est l'un de ceux qui, cherchant à se lier avec d'autres scènes, ont rendu Detroit plus visible. On lui doit aussi la connexion avec la ville de Flint. Et quand il n'est pas impliqué dans les activités délictueuses du gang 6 Mile Chedda Grove, il sort des projets remarquables, comme les deux No Hooks, avec leurs raps francs du collier dépourvus de refrain.
Album à retenir : No Hooks
Apparu dans le sillage de Peezy, BabyFace Ray a percé avec M.I.A. Season, en 2015. Il a su imposer sa voix particulière, plus douloureuse et mélancolique que d'autres, et jouer de son statut pour pousser les jeunes 42 Dugg et DaeMoney, son neveu. Il est désormais l'une de stars de Detroit, comme le montre sa présence parmi les Freshmen de XXL, en 2022.
Album à retenir : M.I.A. Season
Il n'est pas seulement un pilier de la Team Eastside : il représente le style de Detroit dans toute sa splendeur. Placées sous le signe de la Mafia, les sorties de Damedot délivrent avec une qualité constante ces punchlines, ces nappes, ces touches de piano et ces pulsations électriques qui font le son de la ville. Et depuis KOS en 2016, toutes sont bonnes.
Album à retenir : Courtesy Of The Mafia
Nice n'est pas le membre le plus remarquable de Team Eastside. D'autres méritent ce titre mieux que lui, tels que Peezy et Babyface Ray. Cependant, parce qu'ils l'appuient souvent, parce qu'il est soutenu aussi par d'autres gens inspirés, comme Allstar Jr, 42 Dugg et Rio da Yung OG, il est parvenu à apporter d'autres pièces de choix au rap de Detroit.
Album à retenir : Must Be Nice 2
Mais aussi : Eastside Lou, Eastside Lil P, Eastside Snoop
LES AUTRES INCONTOURNABLES
Seuls certains ont percé au-delà de leur ville. Et pourtant, ils sont aujourd'hui les rappeurs de référence de la scène de Detroit. Ils comptent parmi ses grands noms et ses animateurs.
Parmi les rappeurs de Detroit promis à un destin en dehors de leur ville, figure l'intense 42 Dugg. Parrainé à la fois par Lil Baby et par Yo Gotti, il a côtoyé quelques grosses pointures comme Future, Meek Mill, T.I. et Big Sean. Distribué par les gens influents d'Empire, il a sorti également un projet commun solide avec une autre valeur montante, EST Gee.
Album à retenir : Young And Turnt
Avec Baby Smoove, le cadre est le même qu'avec tous les rappeurs de Detroit. Les propos sont aussi agressifs, l'univers est rude, la musique tendue. Mais sa spécificité, c'est de marmonner ses mots, de rapper sur un mode léthargique, comme s'il se fiche de ce qu'il avait à dire. Ce style, il le décline sans tache sur plusieurs albums de qualité constante.
Album à retenir : Flawless
Issu du collectif M-Block, Cash Kidd est l'un des rigolos de Detroit. Il est là pour amuser la galerie. Le thème de son shit-talking, de ses punchlines et de ses blagues, ce sont les filles. Et pour mieux nous embarquer dans ses histoires de sexe, pour que sa musique soit encore plus accrocheuse, il aime chantonner les mélodies des vieux tubes d'autrefois.
Album à retenir : No Socks
Bien qu'il ait été actif avant cela dans l'underground, FMB DZ a marqué 2017 avec la sortie coup sur coup de trois mixtapes marquantes. La même année, on a tiré à plusieurs reprises sur cet habitant de l'ouest de la ville, proche des Californiens Philthy Rich et SOB X RBE, mais cela ne l'a pas empêché de livrer ces perles typiques du style de Detroit.
Album à retenir : Washington DZ
G.T. est apparu dans l'entourage de la Team Eastside, et plus particulièrement de BabyFace Ray, son ancien camarade d'école. Ils ont même sorti un album en commun. Comme lui, il se distingue par un rap qui exprime la douleur. Son phrasé moins soutenu, sa voix qui grince et qui couine, en font aussi l'un des rappeurs les plus distinctifs de Detroit.
Album à retenir : Relentless
Icewear Vezzo se fait un nom vers 2012, après ses débuts au sein du collectif familial Green Guyz, quand il lance sa série The Clarity. L'un des rappeurs les plus intenses d'une ville qui n'en manque pas, il est aussi, dès 2018, l'un de ceux qui intègrent un gros label, sans doute le plus prestigieux de Detroit, Motown, avant d'être recueilli par Quality Control.
Album à retenir : Price Goin Up
Son ami Tee Grizzley a été célèbre avant lui, mais la vraie star de Detroit, c'est Sada Baby. Avec ses dreads, sa grosse barbe, ses danses de contorsionniste, ses raps exaltés et ses deux faces, l'une abrupte, l'autre mélodieuse, il est le personnage de cette scène. Il l'a prouvé dès ses mixtapes de 2017, puis les tubes "Bloxk Party" et "Whole Lotta Choppas".
Album à retenir : Skuba Sada
La musique des ShittyBoyz tourne à la formule avec ses raps délivrés à toute allure sur des vieux tubes de freestyle music. La posture de ce trio basé à Ypsilanti, aux abords de Detroit, est celle de nerds, avec leurs textes sur les filles, les jeux vidéos et les arnaques à la carte bancaire. Mais le trio emmené par BabyTron détonne avec ses phrasés rapides et off-beat.
Album à retenir : 3-Peat
Mais aussi : Drego & Beno, Tee Grizzley, Veeze, Helluva, RJ Lamont
QUELQUES AUTRES ENCORE
Apparus plus récemment que les précédents, moins connus, affranchis du son de Detroit, ou parfois tout simplement morts, ces rappeurs ont défini eux aussi le rap de Detroit.
Lil Baby, renommé Babys World pour éviter la confusion avec le rappeur d'Atlanta, exprime l'agressivité et de la paranoïa du délinquant. Il a l'esprit de meute, comme les autres à Detroit, mais avec un fond de spleen, avec un rap marmonné qui semble plus fatigué qu'orgueilleux. Il nous parle du quotidien de dealer, mais sans triomphe, ni glamour.
Album à retenir : Counted Up In The Dark
Molly Brazy s'est vite diversifiée. Assoiffée de succès, elle s'est conformée aux clichés du rap au féminin. Mais à ses débuts, elle nous a offert du pur rap de Detroit, comme avec Molly World. Sur cette mixtape, appuyée par des beatmakers et des rappeurs phare de la ville, Molly la Dingue délivre encore un rap de rue urgent, violent et acrimonieux.
Album à retenir : Molly World
Coach Joey n'est peut-être pas le rappeur le plus illustre de Detroit, mais il pourrait bien être son activiste le plus décisif. Sous le nom de Joseph McFashion, il est un producteur, entrepreneur, découvreur de label et patron de label, et il est l'homme derrière 4sho Magazine, le média qui a aidé à populariser le rap du Michigan. Et parfois, donc, il rappe aussi.
Album à retenir : 7Even (avec DamJonBoi)
Avec Helluva et de RJ Lamont, DamJonBoi est l'un des producteurs phares de Detroit. Apparu auprès d'Eastside Reup, collaborateur de Drego & Beno, Kasher Quon et Teejayx6, parmi bien d'autres, il est également un rappeur, et il délivre avec une grande régularité des "mixtapes" gratuites, à l'ancienne, qui sont aussi de purs concentrés du son de Detroit.
Album à retenir : Paranormal
Une autre mauvaise graine qui a poussé dans les rues froides de Detroit, dans sa partie ouest plus particulièrement. Damarius Langston, alias GMO Stax, a émergé autour de 2021, et il s'est imposé l'année d'après avec l'album Youngest N Charge, profitant de l'engouement pour le rap du Michigan pour côtoyer Blac Youngsta, Big30, Hotboii et Pooh Shiesty.
A retenir : No Safety
Autrefois, IUR Jetto a appartenu au collectif d'Icewear Vezzo, Green Guyz. Et plus tard, il a rejoint son label, Iced Up. Sans surprise, donc, son rap intense et haletant est dans la même veine que celui de son compère. Et pourtant, ce rappeur a une particularité. Il est basé de l'autre côté de la frontière, à Windsor, la ville canadienne qui jouxte Detroit.
A retenir : Pink World 2
A Detroit, les producteurs rappent aussi. C'est le cas de Jose The Plug. Il a collaboré avec à peu près tous les rappeurs de la scène (Sada Baby, BabyTron, Drego & Beno, Icewear Vezzo, Tee Grizzley, G.T., Nuk, etc.), et en plus il a sorti quelques albums à son nom. Même si, qu'on ne s'y trompe pas, c'est surtout pour ses beats que nous le retiendrons.
A retenir : Red Tape (Avec Nuk)
Etabli sur 7 Mile, la rue où sévissait Blade Icewood autrefois, Nuk délivre l'archétype du son de Detroit avec sa musique nerveuse, trépidante, électrique et parcourue de pianos, de steel drums, de cloches et de synthés menaçants, imprégnée de violence, et parfois de détresse, et dont le signe distinctif est le renfort fréquent d'une figure féminine, Mo Money.
A retenir : Red Tape (avec Jose The Plug)
La moitié du duo Los et Nutty s'illustre seul, parfois. L'aîné des deux, en effet, est l'un des pionniers du Whitehouse Studio, ce haut-lieu de la scène de Detroit où ont été enregistrés certains des plus grands morceaux du collectif Team Eastside. Et bien que son registre se limite souvent à un seul et même thème, le trafic de drogue, il excelle parfois en solo.
A retenir : Narcotics Anonymous
La violence est au coeur du rap de Detroit. Elle se ressent dans cette musique, notamment celle que Tay Blood a alimenté de sa voix incroyablement rauque et de son rap abrasif. Et souvent, malheureusement, toute cette brutalité se traduit dans les faits. Ce dernier, en effet, a été tué en 2019. Il ne restera donc de lui qu'un album, très court mais intense.
A retenir : Diary Of Me
Un bébé peut en cacher un autre. Dans l'entourage de Sada Baby, signé sur son label Big Squad, figure Trevon Gardner, alias Skilla Baby. On trouve chez lui la même propension à passer du faux calme à la surexcitation, bien que sa voix se montre moins hystérique. Il excelle souvent en solo. Mais quand les deux se produisent ensemble, ça peut être le feu.
A retenir : Standing On Bidness
Danny Winnin, alias Danny Always Win, vient d'East Side Detroit, de Mack Avenue plus exactement. Et il ne dépareille pas à Detroit, avec ses saillies agressives paranoïaques, ses bizarreries inquiétantes et ses complaintes de gangster qui n'ont d'autres but que de parler argent, d'être hostile, de rendre compte de la dureté et des périls de la jungle urbaine.
Album à retenir : Going For The Win
Mais aussi : 40 Glock Boy, Ace Cino, Baby Money, DaeMoney, Shredgang Mone, Ponae, Teejayx6, Kasher Quon, Money Man, Allstar JR, Eastside ReUp, Los, Samuel Shabazz, Mo Money, Glockboyz TeeJaee, Jugg Harden, Talibando, Tay B, Project Paccino, Binswanson, etc.
FLINT
Une ville peut en cacher une autre. Quand Peezy s'y est intéressé, quand ses rappeurs se sont appropriés le son de leur voisine, on a découvert que Flint était aussi passionnante. Elle a apporté au style de Detroit une déclinaison rien qu'à elle, faite de shit talking hilarant et de musique chaotique.
Du jour où Peezy l'a coopté, le rap de Flint est devenu une extension de celui de Detroit, et Rio da Yung OG le porte-drapeau de cette scène. Alors qu'il est assigné à résidence en 2019, il se concentre sur le rap, et il délivre une pléthore de projets, seuls ou avec son compère RMC Mike, qui lui permettent d'imposer son rap de gangster pince-sans-rire.
A retenir : City On My Back
Le comparse de Rio Da Yung OG, celui au côté duquel il a émergé à partir de 2019, avec la série Dumb And Dumber, celui avec lequel il a enregistré quelques-uns de ses meilleurs morceaux, le partenaire indispensable grâce auquel il a imposé son shit talking, c'est RMC Mike. Ensemble, quand ils se donnent la répartie, les deux hommes sont irrésistibles.
Album à retenir : Dum And Dumber Too (avec Rio)
Louie Ray, c'est le demi-frère de la figure de proue de Flint, Rio Da Yung OG. Mais c'est aussi le partenaire privilégié de YN Jay. Ce dernier l'entraîne parfois dans de savoureux numéros à deux sur ses thèmes de prédilection : le sexe et les femmes, formant avec lui l'autre grand duo de ce shit talking chaotique, hilarant et si caractéristique la scène rap locale.
Album à retenir : The Scouts 2 (avec YN Jay)
De toute la joyeuse bande des rappeurs de Flint et de Beecher, YN Jay est le plus excentrique, avec son ton doux, son phrasé nonchalant et ses onomatopées trainardes. Celui qui se surnomme par ailleurs le "coochie man" (en gros "l'homme à chattes"), semble aussi ne s'intéresser qu'à un seul à-côté de la vie de la rue : le sexe, le sexe et encore le sexe.
Album à retenir : Coochie Land
C'est aussi dans le district de Beecher, en périphérie de Flint, qu'est apparu YSR Gramz, au sein d'une bande qui comptait également YN Jay et de KrispyLife Kidd. Par ailleurs, ce rappeur a pour particularité d'avoir encouragé le producteur Enrgy Beats à concocter des beats dans le style de Detroit, lançant ainsi, par la même occasion, celui de Flint.
Album à retenir : Big Wop
Mais aussi : Krispylife Kidd, BFB da Packman, GrindHard E, Enrgy Beats, etc.
AILLEURS
Le Michigan ne se limite pas à Flint et à Detroit, et il en est de même de sa scène rap. Certains viennent d'ailleurs dans l'Etat, par exemple sa deuxième grande ville, Grand Rapids.
Wayne616 a travaillé avec les gens de Detroit, et plus encore avec ceux de Flint. Il a accompagné Rio Da Yung OG, RMC Mike, YN Jay, Louie Ray, YSR Gramz, GrindHard E, notamment, et leur "professional shit talking". Quant à sa musique, c'est du son du Michigan à l'état pur. Le producteur, pourtant, est issu de Grand Rapids, à l'autre bout de l'Etat.
Album à retenir : Grease Files
Mais aussi : AK Bandamont
Nos 14 albums
Il faut bien commencer quelque part. Alors, nous vous recommandons ces quelques albums. Pas nécessairement les classiques, ceux qui sont cités les plus souvent quand on parle de la scène du Michigan, mais ceux que l'on préfère ici.
42 DUGG - Young And Turnt (2019)
42 Dugg est l'un des rappeurs de Detroit sur lesquels l'industrie du disque semble avoir jeté son dévolu. Mais avant même ses sorties les plus médiatisées, au moment même où il lance sa carrière pour de bon, en 2019, il propose cette mixtape, un Young And Turnt débordant de morgue et d'énergie, qui pourrait bien être l'un des tout meilleurs projets que nous a offerts le rap de la ville.
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BABY SMOOVE - Flawless (2019)
Quand il ne prétend pas être parfait, Baby Smoove se dit "flawless" : sans défaut. Et on serait bien tenté de le croire, avec cet album sans tube (le morceau "Bape" excepté), mais où il délivre sans faux pas sa formule si caractéristique, faite de raps marmonnés, d'une scansion léthargique qui laisse penser que ce délinquant patenté est imperméable à tout péril et à tout sentiment.
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BABY SMOOVE - Im Still Perfect (2020)
A en croire les titres des nombreux albums qu'il sort au moment de basculer dans une autre décennie, Baby Smoove n'a qu'un message à nous faire passer, avec son rap éteint et neurasthénique : il est parfait. Cette sortie n'est pas loin de le prouver. Rarement un rap si effacé et si désincarné n'a contrasté autant avec les paroles et la musique. Rarement a-t-il été aussi expressif.
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BANDGANG - In Too Deep (2018)
Après une salve de solos délivrés par ses membres, l'un des collectifs au centre de Detroit revient en force en plein apogée de la scène locale, épaulé désormais par l'influent distributeur Empire. Et c'est une sortie gagnante. Sur ce projet gargantuesque, Masoe, Lonnie Bands, Paid Will, Al, Javar et Biggs délivrent une flopée de bons morceaux qui sont la quintessence du son régional.
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BANDGANG LONNIE BANDS X BANDGANG JAVAR - The Scamily (2020)
En 2020 quand Lonnie Bands, le plus remarquable des membres de BandGang s'adjoint à Javar Escobar, un autre rappeur de ce collectif phare de Detroit, ça parle comme attendu de drogue, de proxénétisme, d'armes à feu, de violence en réunion, et évidemment d'arnaque à la carte bleu. Et ce rap de bandits, passablement immoral, n'en est pas moins absolument mémorable.
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GMO STAX - No Safety (2021)
No Safety est l'un des projets les plus compacts de GMO Stax, et partant, l'un de ses meilleurs. C'est une autre décharge d'un rap de rue dangereux, agressif et tendu, le tableau d'une jungle urbaine réhaussé de cloches pesantes, de pianos haletants, de basses bondissantes et de synthés oppressants, avec en prime de grands moments de blues, comme la belle conclusion mélancolique de "Feds".
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ICEWEAR VEZZO - Price Goin Up (2017)
Issu d'un collectif Green Guyz, qui a ses racines dans le Minnesota, connecté assez tôt à toute la scène d'Atlanta, IceWear Vezzo n'en est pas moins l'un des rappeurs les plus représentatifs du style de Detroit. Il le démontre sur cette sortie de gangsta rap communautaire, ardent et viscéral, avec ce rap électronique, implacable, généralement agressif, parfois mélancolique et mélodique.
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IUR JETTO - Pink World 2 (2022)
Proche d'Icewear Vezzo (il a aussi appartenu au collectif Green Guyz), basé non pas à Detroit mais à Windsor (une ville la jouxtant du côté canadien de la frontière), IUR Jetto est sans doute un second couteau de la scène locale. Mais cette sortie a tout ce qu'il faut avec ses pianos haletants ou menaçants, et ce rap rude où notre homme se présente en produit de son environnement.
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NUK X JOSE THE PLUG - Red Tape (2020)
Rien de bien original en 2020 sur cette mixtape signée par le producteur Jose The Plug et par le rappeur Nuk, chef de file du label et collectif Big Godz Worldwide. En cette année 2020 qui est l'apothéose pour cette scène, c'est du son de Detroit dans sa version la plus pure et la plus parfaite, trépidant, menaçant et marqué du soupçon de détresse de celui qui se sait condamné à la rue.
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PAYROLL GIOVANNI - Stack Season (2015)
Sans réel tube mais sans déchet, le Stack Season de Payroll Giovanni est une sortie dédiée entièrement à l'argent, qui propose de la musique de gangsters comme il existe de la musique d'ascenseur. Il n'en est pas moins, sans doute, le meilleur projet solo du meilleur membre des Doughboyz Cashout. Et à ce titre, l'un des plus grands albums et des plus représentatifs du rap de Detroit.
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PAYROLL GIOVANNI - No Validation Necessary (2019)
Avec le succès, en se rapprochant de Def Jam, Payroll Giovanni commence à adoucir sa musique au contact des sons californiens, avec l'appui du producteur Cardo. Mais ce n'est pas ce rappeur-là le plus convaincant. C'est plutôt celui d'origine, celui des Doughboyz Cashout, celui qui continue de représenter le son rude de Detroit, comme sur ce très bon No Validation Necessary.
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SADA BABY - Skuba Sada (2017)
La première mixtape de Sada Baby demeure la meilleure de sa discographie. Cette quasi-compilation révèle de manière éclatante la personnalité la plus éclatante, possédée et excentrique du rap de Detroit. L'intéressé y déblatère ses propos violents sans retenue, avec une sauvagerie explicite et un humour larvé, d'une voix tendue au bord de l'hystérie. Et c'est absolument jubilatoire.
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SKILLA BABY - Standing On Bidness (2021)
Skilla Baby est apparu dans la foulée d'un autre gros bébé de Detroit, Sada Baby, et il en prend le relai. Mieux, les deux conjuguent parfois leurs forces, comme sur Standing On Bidness, un long album dont plusieurs titres sont nommés d'après des célébrités, et où les deux hommes rappent souvent en duo, l'un d'un ton calme, l'autre surexcité, pour un résultat du meilleur effet.
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TAY BLOOD - Diary Of Me (2017)
Ils sont plusieurs, à Detroit, à avoir disparu avant de voir leurs carrières décoller, et Tay Blood est l'un d'entre eux. Assassiné à la fin de la décennie 2010, il n'aura pu sortir qu'un seul véritable album, plutôt court qui plus est, mais avec quelques autres perles de rap local, entonnées avec brutalité d'une voix très rauque que certains, par paresse, ont comparée à celle de DMX.
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Vos 5 albums
Et vous, quels sont les cinq albums que vous retenez du rap du Michigan ?
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