2019 a été l'année de Rio Da Yung OG. Assigné à résidence pour une affaire de drogue, le rappeur s'est alors consacré avec assiduité à sa carrière de rappeur, sortant une ribambelle de projets, en solo ou avec son acolyte RMC Mike, et attirant ainsi l'attention, avec l'appui décisif de Peezy, sur cette extension de la scène de Detroit qu'est celle de Flint.
Il était donc normal, quelques mois plus tard, qu'il ait cherché à profiter de cette notoriété en se concentrant sur un album en bonne et due forme, en cherchant à sortir l'œuvre de la consécration. C'est à cela en tout cas, très fortement, que ressemble le projet qu'il a sorti en mars de cette année.
A première vue, pourtant, City On My Back ressemble en tout point à ses sorties précédentes. Avec ses touches de piano nerveuses, ses rythmes électriques et ses synthétiseurs inquiétants, sa musique sonne toujours comme celle de Detroit, surtout quand s'y joignent de grandes figures des lieux telles que Babyface Ray et Icewear Vezzo. Comme il nous y a habitués, Rio partage d'un seul souffle, avec l'outrecuidance du vétéran, toute son expérience et tout son quotidien de délinquant patenté. Ses textes intimidants, il les rappe avec facilité, de manière à la fois fascinante et monotone, sans grande variation, sur le mode de la conversation.
De même, selon le principe cher à son parrain Peezy, il sait parfois se passer de refrain. C'est le véritable son de la rue, c'est du vrai rap de criminel, sans chichi et sans artifice. C'est de la musique sans compromis, qu'on imagine difficilement sortir du cercle restreint des amateurs de rap purs et durs.
Néanmoins, même si les textes de Rio Da Yung OG ont toujours des airs de freestyles, cet album est plus abouti que les précédents. Avec de petits bijoux tels que le manifeste anti-suiveurs de "Copy Cats", il semble moins improvisé, il parait moins délivré d'un seul jet sur le premier beat venu.
L'homme de Flint, aussi, étend sa palette. Il use d'un steel drum sur "A Goat Speaking" et le très bon "Fein Rental". Il délivre avec "Groovy" un morceau fidèle à son titre, et avec le torride "Feelings", l'histoire d'une relation exclusivement physique qui termine dans l'embarras d'une grossesse. Rio s'essaye même à la danse avec l'atypique "Dance Moves", mais à sa manière, sans changer grand-chose à son phrasé imperturbable, sans renoncer à son vocabulaire indélicat et en promouvant une formule chorégraphique pas encore mûre pour faire fureur dans les campings : "regarde mec, va par terre, défonce le sol, fais comme si tu baisais une salope".
City On My Back, au bout du compte, est bel et bien cela : l'œuvre de la consécration, celle de la maturité, la plus nette de toutes les sorties de Rio. Mais ne comptez pas sur ce rappeur pour qu'il adapte sa formule au grand public, ou pour qu'il change ses priorités. "Qui donc a pensé que je pouvais déblatérer toute cette merde et parvenir à en vivre", demande-il, sur "A Goat Speaking". Pas lui, manifestement, qui déclare avoir déchiré un contrat de maison de disque sur "Live It Up". Le rap pour lui, reste étroitement associé à la vente de drogue et à l'arnaque à la carte bancaire. Rio est un bandit, il continuera donc à faire de la musique de voyou.
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