C'est une vraie chevauchée fantastique à laquelle nous avons assisté, l'an passé, avec le rap de Detroit. Ses acteurs ne sont pas tous des nouveaux-venus, certains s'agitent depuis des années déjà, dans l'underground local. Mais le coup de projecteur porté à cette scène, désormais exposée au-delà de ses bases, a poussé les Sada Baby, Icewear Vezzo, Peezy, BabyFace Ray et FMB DZ à sortir des projets tous plus affriolants les uns que les autres. C'est une longue cavalcade, qui s'est achevée avec le Relentless de G.T., sorti officiellement en 2018, mais disponible sous le manteau dès décembre 2017.
Comme les autres, le rappeur en question n'est pas né de la dernière pluie. Il y a deux ans, par exemple, il a sorti GT X Mia, un projet en commun avec BabyFace Ray. Il a commencé alors à multiplier les vidéos et à faire parler de lui dans sa ville. Mais sa carrière a subi un coup d'arrêt, après qu'un accident de voiture lui a brisé les os. Il a donc fallu attendre avant qu'il ne sorte enfin son premier véritable album, et qu'il l'annonce par un single dont la vidéo évoque l'événement qui a failli le détruire. Ce dernier, "Supposed To Be Here", produit par le beatmaker phare du cru, Helluva, et accompagné par les refrains R&B de B Ryan, met aussi en avant la singularité de GT dans le paysage rap de Detroit.
Alors que le son local se caractérise aujourd'hui par un rap implacable et nerveux, celui de GT s'en écarte. Seuls deux titres, sur Relentless, sont ceux, vifs, tendus et technoïdes, qu'on a l'habitude d'entendre dans la région : un haletant "Life On The Line", et "Hustling All Day", avec Lil Beno et Drego, tous deux excellents. Mais ailleurs, c'est différent. Le rappeur se démarque par un flow peu soutenu et par une voix faible, qui grince, croasse et couine, plus qu'elle n'admoneste. Et les sons qui l'accompagnent se montrent à l'avenant. Dès les notes de guitare qui ouvrent le titre introductif, ce sont des rythmes plus lents qui accompagnent G.T.
Relentless nous offre d'autres refrains R&B ("It Aint In You", "Had To Get It Up"). Et l'un de ses meilleurs titres, "25 Reasons", est ce qui se rapproche le plus d'une chanson d'amour (et de rupture), compte-tenu du contexte rude et gangsta des lieux. G.T., cependant, ne cherche pas exposer ses sentiments. Au contraire, il les combat. Il est le garçon des rues qui se veut imperméable aux émotions. Et pour rendre compte de cela, il nous anesthésie avec des morceaux atmosphériques ("Get You What You Want", "Say Yes"), des complaintes au saxophone ("The Truth"), des sons tristes ("Made A Promise"), un piano pesant (le très bon "Copy This") et des chants évaporés ("Pain"). Au vu de tout cela, il apparaît que le dernier étalon à s'être démarqué dans le Detroit de 2017 est aussi, sans doute, l'un de ses plus distinctifs.