Qui a dit que le son de Detroit était toujours le même ? Malgré des traits musicaux en commun, Sada Baby n'est pas Payroll Giovanni, qui n'est ni Icewear Vezzo, ni Peezy, ni Drego & Beno. Et s'il faut aux sceptiques une preuve supplémentaire de cette diversité, alors Baby Smoove l'apporte.

BABY SMOOVE - Flawless

Ce dernier a beau être aussi prolifique que la plupart de ses compères (il a sorti trois projets cette année, Flawless, Mr. Perfect et Purple Heart) et livrer comme eux un rap de rue insolent obsédé par le fric, il s'en distingue par un phrasé détaché, tout en murmures, qui évoque davantage les artistes des alentours de Washington à la Goonew, que celui souvent plus soutenu et plus énergique des rappeurs de sa ville.

La première de ses sorties de 2019 le démontre. Ici, sur des cas d'école comme le très bon "Sixty (Melo)", Baby Smoove tient les mêmes propos agressifs que ses pairs, il évolue dans le même univers rude. La musique est souvent celle, électrique et tendue, qui caractérise Detroit. Et pour ne rien gâcher, ce rappeur fait preuve d'une indéniable facilité verbale.

Cependant, il délivre son flot de paroles de façon léthargique, en mangeant ses mots, en descendant d'un ton à la fin de chaque vers, comme s'il n'avait au fond rien à faire de ce qu'il disait, comme s'il était en pilotage automatique, anesthésié aux périls et souffrances de sa vie de délinquant.

Tout cela apporte à son rap un étonnant effet de contraste entre les paroles et l'habillage sonore. Son flow mollasson est lui aussi contrebalancé par le sens mélodique de morceaux tels que "Plastic", l'abrupt "Get To Work", le relevé "Wockstar", le remarquable "Groupies", une "Outro" parfaite et la pause à l'Auto-Tune de "In Too Deep", avec l'ami Drego.

Les marmonnements de Baby Smoove ne le desservent pas. Ce détachement avec lequel il s'exprime ne l'empêche pas de se comparer aux plus grands, Lil Wayne, Nipsey Hussle, 50 Cent dès l'introductif "Blicky", ou Gucci Mane sur le fier "Mr. Perfect". Donnant raison à son titre ("sans défaut"), ce projet se montre sans accroc. Il délivre une musique sans tube, “Bape” excepté, mais in fine addictive, quand elle s'écoute d'un seul trait, sur toute la longueur de ce Flawless.

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