S'il n'en fallait citer qu'un pour résumer le rap indé, ce serait Buck 65. Nul autre parcours que celui du rappeur, DJ et beatmaker canadien épouse avec une telle perfection toutes les phases de la vague indie rap née au cœur des années 90. Après s'être fait connaître par un rap sombre, dominé par des textes compliqués et des beats austères, soucieux de défendre une certaine pureté hip-hop originelle et d'accorder une large place aux scratches, il a participé ensuite à la grande convergence entre pop, folk et rap observée dans les années 2000. Homme blanc issu du bout du monde, passé de la production locale à une major, via un bref passage chez Anticon, revu dernièrement parmi les siens, sur le label de Sage Francis, Buck 65 a toujours été là, il a été de toutes les aventures du rap indé.
Qui plus est, ce blog entretient une relation particulière avec le rappeur. Il a été le premier à en parler et à le défendre en France, il a participé à l'organisation de ses premiers concerts à Paris, dont l'un a abouti à sa signature avec la branche locale de Warner. Souvent enthousiaste, parfois déçu, mais toujours fidèle, il n'a cessé de le suivre à travers toutes ses transformations. Buck 65 c'est notre ami, c'est notre mascotte, c'est la musique défendue depuis toujours ici, contradictoire, le cul entre deux chaises, à mi-chemin pile entre rock et hip-hop, entretenant avec le rap une relation complexe d'amour/haine. Il était donc grand temps de revenir d'un coup d'un seul sur l'ensemble de la carrière de Rich Terfry, d'en livrer une synthèse, via le commentaire détaillé d'une discographie qui, si elle n'a jamais connu d'album absolument parfait, ne compte que des pièces intéressantes.
BUCK 65 - Weirdo Magnet (1996)
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En 2001, Buck 65 rassemblait quelques vieux titres produits avant 1996, certains remontant jusqu'en 1988. Si l'on triche un peu, Weirdo Magnet peut donc être considéré comme le premier disque du Canadien. D'autant plus, et sans doute parce qu'elle a été substantiellement retravaillée, que cette compilation ressemble à un véritable album, autant que le rap foisonnant de Buck 65 le permet, sonnant parfois même plus pro et moins foutoir qu'un Language Art ou qu'un Vertex.
BUCK 65 - Language Art (1996)
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"This is for us", déclarait le Canadien en intro de ce premier album, sorti à l'origine sur une simple cassette. Cette musique était pour nous, et cela deviendrait bientôt une évidence. Si le Buck 65 de l'époque s'avérait encore très fidèle au hip-hop, notamment par la grande place accordée aux scratches, les sons, les images et ce ton capable d'auto-dérision n'étaient déjà plus ceux du rappeur lamba. Un album mineur, certes, mais tellement annonciateur et fondateur que Buck 65 sous-titrerait "Language Art 2, 3, 4, etc..." la quasi totalité de ses sorties futures.
BUCK 65 - Vertex (1997 / 1999)
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Sur Vertex, un album popularisé par le single "The Centaur" sorti chez Anticon, Buck 65 tentait des expériences inédites. En plus de livrer des textes oniriques et humoristiques ou de partir dans les séquences de scratch qu'il affectionnait déjà sur Language Art, le Canadien découpait ses titres en mouvements, colorait ses beats de sons inhabituels et faisait un détour par le rock en reprenant Roxy Music. Pour beaucoup, le disque de la révélation, et le premier indispensable de Buck 65.
SEBUTONES - 50/50 Where It Counts (1998)
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Cela provenait d'Halifax, Nouvelle-Ecosse, autant dire de nulle part. Et ce n'est qu'en 2000, quand il fut édité en CD, que ce disque sortit de la confidentialité. Pourtant, cet album enregistré en deux semaines par Sixtoo et Buck 65 allait devenir une pierre fondatrice de la vague indé, l'une des pièces maîtresses de ce hip-hop sombre, ardu, paranoïaque et fardé de science-fiction qui sévissait alors.
BUCK 65 - Man Overboard (2001)
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C'est un homme à la mer, un rappeur affecté par le décès récent de sa maman qui enregistre l'attendu successeur de Vertex, le seul album qu'il ait sorti sur Anticon. La patte Buck 65 restait reconnaissable sur Man Overboard. A nouveau, scratches, exercices ludiques, textes sophistiqués et sons d'origines diverses avaient la part belle. Mais dans le même temps, certains titres faisaient preuve d'une charge émotionnelle inédite. Aussi, chaque morceau devenait plus distinct, moins tarabiscoté, plus "chanson", rendant l'ensemble, contrairement aux sorties précédentes, plus proche d'un véritable album que d'une simple mixtape.
BUCK 65 - Synesthesia (2001)
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Après l'excellent Man Overboard et avant la signature sur la major Warner, Buck 65 brouillait les pistes et sortait en édition limitée la première référence du label Endemik. Synesthesia. Cet album, dans l'esprit d'un Language Arts qu'il rééditait au même moment, resterait toutefois une sortie marginale, la qualité des beats étant largement en retrait des textes. Malgré la sortie l'année suivante d'une version enrichie, il est aujourd'hui encore un disque "for fans only", donc. Mais dans un monde normal, ne devrions-nous pas tous être fans de Buck 65 ?
BUCK 65 - Square (2002)
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Le premier album de Buck 65 pour une major est le dernier avant son grand virage pop rock : le hip-hop y est encore bien présent. En séparant ce disque en quatre pistes où s'enchaînent de courtes chansons sans titre, le Canadien lui donne de faux airs de mixtape et il renoue avec ses premiers enregistrements. Toutefois, Square est riche des mêmes idées, des mêmes beats attrayants et des mêmes textes décalés que celui d'avant. Il est le dernier grand disque rap de Buck 65.
BUCK 65 - Talkin' Honky Blues (2003)
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Ce n'est pas le virage pop rock qui posait problème sur ce disque : celui-ci était déjà latent sur les disques précédents du Canadien. Non, ce qui décevait ici, c'était la surproduction. Trop d'ajouts, trop d'instruments superflus parasitaient un talent qui n'en tirait aucun profit. Une poignée de tubes et un marketing mené de main de maître par Warner allaient faire de cet album le plus médiatisé du Canadien. Cependant, tout cela arrivait au mauvais moment, et pour le mauvais disque : Talkin' Honky Blues serait un album de major, dans le mauvais sens du terme.
BUCK 65 - Secret House Against the World (2005)
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Miracle. Tout ce que Buck 65 avait à moitié raté sur Talkin' Honky Blues, s'émanciper une bonne fois du rap, tourner pop rock, faire un disque grand public accompli, il le réussissait sur ce Secret House Against The World aux accents gainsbourgiens. Le rappeur parachevait sa mue, allant jusqu'à se mettre au chant sur quelques titres. Epaulé par les gens de Tortoise, par Gonzales et par D-Styles, le Canadien livrait le grand disque de sa seconde partie de carrière et de son exil parisien. Un album de major, encore, mais au bon sens du terme cette fois.
BUCK 65 - Strong Arm (2006)
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Ca n'était qu'un malheureux mix, disponible gratuitement sur le site du rappeur, un enregistrement où Buck 65 se contentait de reprendre tels quels des titres de John Fahey, This Heat ou The Homosexuals, pour rapper par-dessus. Pourtant, le Canadien a voulu inscrire ce Strong Arm dans la série des Language Art, signalant ainsi qu'il fallait le prendre au sérieux. Et de fait, même si le mix n'est en lui-même qu'à moitié intéressant, c'est le Buck 65 le plus pur que l'on retrouve ici, ce rappeur aux influences larges, cet artiste qui se voit davantage storyteller que beatmaker, et qui ne tarderait pas à revenir au hip-hop, son premier amour.
BUCK 65 - Situation (2007)
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Retour aux sources. Fini le grand cirque médiatique et marketing, le son très pro, les collaborations prestigieuses. Fini le rock, surtout. Avec ce disque sorti sur le label de Sage Francis, et avec l'appui de quelques noms issus de l'indé (Skratch Bastid, DJ Signify et Cadence Weapon), Buck 65 retournait aux sources, il revenait au hip-hop, faisant même preuve d'un académisme boom bap qu'on lui connaissait peu. Pas un chef d'oeuvre que cet album hommage à l'année 1957 et à l'Internationale situationniste, pas l'album le plus mémorable du Canadien. Mais un retour réussi à bon port pour tous ceux qui ont toujours préféré le Buck 65 rap.
Super bien écrit.
Mais je cherchais des infos sur sa collaboration avec l'orchestre de Nouvelle Ecosse...
L'album n'était peut être pas sorti quand tu as écrit ça.
Une mise à jour serait super.
Merci et longue vie.
D'après ce que je sais, cette collaboration a fait l'objet d'un enregistrement, mais pas d'un album en bonne et due forme. D'où son absence de cette discographie.
BUCK 65 - Secret House Against the World (2005)
Quel disque faible ! Sans style.
"Un album de major, encore, mais au bon sens du terme cette fois."
Le mauvais sens du terme doit être du genre Laurie croisée avec Diam's. On l'appellerait BEURK 56.