Buck 65, alias Stinkin' Rich, DJ Critical, et d'autres encore, a été depuis le début des années 90 le centre même de la scène rap d'Halifax. Avec Witchdoc Jorun, il a fédéré les rappeurs de ville de Nouvelle-Ecosse. Avec son émission sur la radio CKDU, il a contribué à en façonner les goûts. Avec ses références iconoclastes, il les a aidés à bâtir une identité originale. Jusqu'à ce que, au bénéfice du single "The Centaur" et de l'appui du label Anticon, il finisse par s'imposer au-delà même du Canada, comme l'un des personnages importants du mouvement rap indé.
Anticon :: 2001 :: acheter cet album
En plus d'avoir suivi Vertex (1997-99), le disque de la révélation, Man Overboard (2001) a été le premier album de Buck 65 chez Anticon (le seul aussi, si l'on exclut celui du duo Bike For Three, en 2009). Pour ces deux raisons, il a sans doute été le plus attendu par la petite communauté indie. Et celle-ci n'a pas été déçue, car pour partie, elle y retrouvait la musique qui avait réussi à l'opus précédent.
Sur des beats lourds qui n'avaient rien de funky, sur des morceaux décomposés en plusieurs mouvements, sorte de collages savants et ludiques parsemés de longs scratches, Buck 65 posait une voix douce mais légèrement narquoise, plus parlée que véritablement rappée, partageant des pensées dont l'humour et l'ironie n'étaient pas absents. Aussi, il s'acharnait toujours autant à utiliser des samples improbables et des sons inhabituels, piquant une guitare acoustique à Metallica (laquelle devra disparaître quand Warner rééditera l'album), dégotant une improbable mais entrainante mélodie médiévale, s'essayant à la drum 'n' bass.
Quelques évolutions étaient à noter, pourtant. L'expérimentation, par exemple, était moins extrême sur ce nouveau disque. Le ton, aussi, était plus sage et plus lugubre que sur le déjà contemplatif Vertex. Surtout, ce disque était empreint d'une charge émotionnelle inédite. Comme le titre l'indiquait, Buck 65 se présentait ici comme un homme à la mer, au bord de la dépression. Man Overboard, en effet, était dédié à la mère du rappeur, qu'il venait tout juste de perdre après un cancer, et cet épisode douloureux affectait certains titres. Il était même explicitement le sujet de la neuvième piste (sur la première version du disque, les chansons n'avaient pas de titres, ils seront ajoutés avec la réédition).
Man Overboard, en fait, s'éloignait déjà de l'univers du hip-hop, de ses battles, de ses ego-trips et de ses fanfaronnades. Dix ans avant que cela soit la mode chez les rappeurs grand public, Buck 65 jouait de l'introspection et se montrait vulnérable, confessant par exemple sa timidité auprès des filles et ironisant sur le contenu de son portefeuille, cherchant un amour auquel il ne croyait pas. Ce disque, auquel les puristes rap préfèrent souvent Vertex, mais que les vrais fans de Buck 65 citent souvent comme son meilleur, annonçait en fait la suite, ce crossover rap et folk/rock qui serait le sien en ses années chez Warner, le gros son en moins.
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