Ce disque a été fondateur. Il a été l'une des références du rap indé naissant, du hip-hop canadien et de la scène d'Halifax. Ses deux auteurs, déjà deux éléments centraux du rap de la Nouvelle-Ecosse, ont connu par la suite une notoriété accrue et un parcours exemplaire. Sixtoo et Buck 65, pourtant, ne semblent pas partager cette considération générale pour leur oeuvre commune. L'impact de cet album assemblé en deux semaines a toujours été pour eux un grand motif d'étonnement.
Aujourd'hui, alors que le premier refuse d'évoquer son passé en général, et les Sebutones en particulier, le second considère sur son propre site (dans une série d'auto-critiques où il dénigre quasiment tous ses enregistrements) que cet album, le deuxième du duo après la cassette Psoriasis, a été bâclé, mal enregistré et qu'il est bien trop long. Et il y a du vrai dans ce jugement. Comment prendre à ce point au sérieux un album qui commence par un tonitruant "Let's fuck! I'll fuck anything that moves!" et qui s'achève par une "Punk Song" où Buck 65 se déclare dégoûté de tout ? Pourtant, dans ce commentaire sur 50/50 Where It Counts, Buck 65 reconnaît un mérite à ce premier grand disque : il admet qu'il était bourré d'idées.
Des beats lourds, une atmosphère paranoïaque et oppressante, des textes de science-fiction, un air d'apocalypse, des extraits récurrents de vieux films et les phrasés monotones des deux rappeurs : tout confère à l'ensemble une homogénéité pesante qui, couplée à sa longueur, n'en facilite pas l'accès. 50/50 Where It Counts, pourtant, est un disque moins iconoclaste que ceux que Sixtoo et Buck 65 produiront chacun de leur côté dans les années 2000. Après des années d'activisme rap dans leur ville perdue de Nouvelle-Ecosse, les deux hommes demeurent encore fidèles au cahier des charges du hip-hop : boucles, scratches et flow implacable forment l'ossature de l'album, on y trouve des diss tracks.
Les Sebutones ne franchissent jamais les frontières du rap, mais déjà, ils multiplient les trouvailles et ils font preuve d'une inventivité redoutable en matière de sonorités : "We Three Kings" joue du contraste entre des percussions tribales et lentes et d'autres aux airs de bug informatique ; l'excellent "Dazed & Confused" transforme avec adresse un scratch étrange en boucle ; la castagnette devient un instrument inquiétant sur "Go Back". Et cela n'est qu'une poignée d'exemples...
Disque séminal, premier tour de force de deux grands noms du rap indé, homologue canadien d'un Funcrusher Plus par la noirceur et par l'impact, partagé tout comme lui entre la fidélité au rap et la volonté d'aller de l'avant, 50/50 Where It Counts mérite aujourd'hui, dix ans pile après sa sortie, et quoiqu'en pensent aujourd'hui ses deux instigateurs, un statut de standard du hip-hop de l'ombre.
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