RXK NEPHEW – ‘Til I’m Dead

RXK NEPHEW – ‘Til I’m Dead

Les relations entre rap et musiques électroniques ont toujours été complexes. Elle ont été parfois conflictuelles, et parfois incestueuses. Et elles ont connu de nombreux épisodes, de nombreuses déclinaisons. La toute dernière, cependant, est assez inédite. Depuis plusieurs années, en effet, l’incroyablement prolifique rappeur de Rochester RXK Nephew multiplie les sorties et les freestyles à un rythme effréné. Et souvent, pour exprimer son flot de paroles visiblement inspirées par l’alcool, Kristopher Williams, son vrai nom, opte pour des sons house et techno.

Sorti au début d’une année 2023 qu’il aura inondée de ses projets et dont il aura été l’une des rares satisfactions côté rap, ‘Til I’m Dead a été présenté comme son premier album digne de ce nom. Produit cette fois par un seul producteur, RX Brainstorm, enregistré pour la première fois par un RXK Nephew sobre, il est sans doute son plus accessible. Et sur cet énième album qui détourne la pochette du Ready To Die de Biggie (il est sorti le jour anniversaire de sa mort), le rappeur confirme son parti-pris musical.

A travers le formidable single et l’égo-trip hilarant « Critical », ou plus tard sur la bien-nommée « Dance Song », la house music est toujours là, comme d’autres genres issus de la même lignée. On entend ci et là les nappes propres à l’ambient music, les percussions trépidantes de la drum’n’bass, les arpèges sophistiqués de l’IDM (« LikeMike ») ou une sorte de vieil electro (« I’m High »). On entend aussi beaucoup de rythmes trap, avec à l’occasion du rap chanté sous Auto-Tune (« TwoTone »). Neph fait flèche de tout bois. Et côté paroles, aussi, ça part dans tous les sens.

RXK Nephew ne s’embarrasse pas toujours de refrains. Il déclame ses pensées comme elles viennent, à toute allure. Il est un adepte de la logorrhée, et passe sans cesse du coq à l’âne. Son principal personnage, ce Neph aux mouvements de danse incomparables, s’efface à l’occasion devant Slitherman, son alter ego braillard et enragé. Il change soudain d’intonation, ou il se lance tout à coup dans des imitations d’OJ da Juiceman et de Mike Jones. Et il a un goût marqué pour l’absurde, comme il le prouve avec cette longue divagation autour du verbe « to do » qu’est « What Im Doin ».

RXK Nephew est un rappeur de rue qui nous parle de drogue, d’argent et de Glock (« Pork N Beans »), et qui s’envoie en l’air avec de l’alcool et d’autres substances. Il est un chien fou qui s’en prend sans raison aux producteurs Mike Will, DJ Mustard et Young Chop, sur l’épique et conclusive « Love Song » (ainsi qu’à Benny the Butcher qui, nous dit-il, ne serait même pas un boucher…). Mais il est aussi un rappeur plus introspectif, comme quand sur « All I Had Was A Bean » et ailleurs, il rend quelques comptes à cette enfance que, abandonné par sa mère, il a passée avec sa grand-mère.

Alors qu’en 2023 on s’ennuie, alors qu’on ne sait plus trop où va le rap, RXK Nephew a trouvé la voie : il retourne aux sources, il revient à l’époque où, sur les sons de la discothèque, il s’agissait encore de laisser libre cours à des élucubrations. Comme Lil B, à qui il a souvent été comparé (et qu’il cite sur « Frames »), il ne fixe aucune limite à sa fantaisie, il ne se restreint en rien, il donne tout ce qu’il a. Et même si, souvent, on frise l’indigestion et le trop-plein, il en sort toujours quelque chose.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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