Suivre le parcours de Brandon Emile, alias Beeda Weeda, c'est un peu faire une visite guidée des plus grands monuments du rap de la Bay Area. Producteur passé au micro quand son compère Lil Al s'est retrouvé en prison, le rappeur d'East Oakland a d'abord été mis en avant par Tajai des Souls of Mischief. Puis il a rejoint le label de Mac Dre, avant de côtoyer quelques personnages de la scène comme The Jacka. Et on l'a vu collaborer avec les deux parrains historiques de la scène régionale : E-40, et Too $hort, qui fait pour lui figure de mentor.
Le rap de Californie du Nord est resté une grande famille, à travers les styles et les époques, et depuis qu'il est apparu dans les années 2000, en pleine ère hyphy, Beeda Weeda s'y est bien installé. Il n'usurpe donc rien, en 2020, lorsqu'il intitule son album Mob God. D'autant plus que, pour les sons, il s'appuie sur le duo de producteurs emblématique des lieux, 4rAx et Kenny Tweed, alias les Mekanix, et qu'il convie quelques autres rappeurs éminents de l'endroit, E-40, B. Legit, Keak Da Sneak, J. Stalin, Yukmouth et Stevie Joe, entre autres. Cet album, c'est le témoignage de l'esprit de clan qui préside à cette scène. Et il est par ailleurs très réussi.
Mob God est bien ce qu'il annonce. C'est de la mob music de toujours, avec des sons souples et ronds ("Aint Mobbin"), des gerbes synthétiques qui vous scient le cerveau ("2nd Chance", "Get It How You Live"), des mélodies aguicheuses ("Choosin"), du funk sirupeux ("Cash Run"), des textes sur l'instinct de survie ("The Other Side Of The Gun", "Tryna Live") et l'obsession pour les filles (le faiblard "Freak Hoes"). Et pour ne rien gâcher, malgré une perte progressive de régime, la plupart des titres sont bons, et certains sont des tubes, comme "Drug Dealers".
En 2020, avec Beeda Weeda, les Mekanix et tous les autres, le rap éternel de la Bay Area rentre donc intact, sans vieillir et sans trembler, dans sa cinquième décennie d'existence.