Les nostalgiques dans le rap, autrefois, c'étaient les amateurs de boom bap. C'étaient les adeptes de sons East Coast à la mode des années 90. C'étaient ceux qui avaient du mal avec le nouveau siècle. Mais cette musique continue à prendre de l'âge, inéluctablement. Et maintenant qu'elle avance encore plus loin en terrain inconnu, nous voyons apparaître la nouvelle génération de vieux, ces autres personnes qui pensaient que c'était mieux avant : les nostalgiques de la trap music.
Ceux-là, qui pourrait les contenter mieux que Zaytoven, celui qui, à Atlanta avec son associé Gucci Mane, après avoir fait ses armes dans la Bay Area, est devenu le producteur quintessentiel de ce genre, celui qui en a édicté le canon musical ? Surtout quand ce dernier dit revenir aux sources (et donc laisser de côté ses collaborations avec Usher), et qu'il réunit pour cela Young Scooter, OJ Da Juiceman, Young Dro, Shy Glizzy et Doe Boy, soit une ribambelle de rappeurs plus ou moins emblématiques de cette musique, en plus d'esprits voisins tels que G Herbo ou bien Payroll Giovanni.
Street Credentials, se nomme cet album sorti l'an passé (un autre, intitulé "Pray For Atlanta", est sorti plus récemment en collaboration avec 1K Phew), et son contenu est comme son titre : délectablement générique. Le thème général, ce qui unit grosso modo les paroles de ces gens, c'est qu'ils se disent indéfectiblement fidèles à la rue. Et pour appuyer leurs mots, Zaytoven déroule sa recette habituelle : les rythmes épileptiques de la trap s'agrémentent de ces pianos gambadeurs qui, avec sa naissance en Allemagne, légitiment que Xavier Dotson ait choisi de s'identifier à Beethoven.
La formule n'est pas uniforme, pourtant. La trap music est chantante et tourmentée sur le "Old Me" de Yella Beezy, la voix âpre de G Herbo s'impose sur "How I'm Playing, et "Lightning", avec OJ Da Juiceman et Bobby Fishscale, est exquisement lancinant. Cela marche bien quand Zaytoven s'acoquine avec cet autre porteur du flambeau trap qu'est Young Scooter, ou qu'il le fait avec d'autres rappeurs confirmés tels que Young Dro sur les très bons "Monyuns" et "Yessir", et Doe Boy sur "Honest". Mais quand il s'appuie sur celui qui s'affirme comme le meilleur héritier de la trap, Cootie, à son aise sur "Let's Get It", c'est aussi très gratifiant.
Bref, ce n'est rien que de la routine. Tout ici a déjà existé, souvent en version supérieure, et certaines greffes font des rejets, par exemple celle du style de Detroit représenté par Payroll Giovanni sur le dispensable "Trust Low". Mais Street Credentials est globalement plaisant. Ce qui confirme ce que tous les gens qui ont vécu savent déjà : être un vieux con nostalgique peut apporter des satisfactions, parfois.
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