Le rap est un art complexe. Ses techniques sont nombreuses. Ses possibilités ne sont pas loin d'être infinies. C'est pour cela que Paul Edwards, auteur en 2009 d'un manuel de rap intitulé How To Rap, a remis le couvert quatre ans plus tard. Il avait le sentiment de ne pas avoir exploité tous les enseignements partagés par les nombreux rappeurs interviewés pour le premier livre. Alors sur la même base, avec la préface d'un autre magicien des mots, Gift of Gab de Blackalicious (décédé depuis), il lui apporte un complément.

PAUL EDWARDS - How To Rap 2

Ce second volume a les avantages et les limites du premier.

Dans la première catégorie figurent des rappels précieux qui battent en brèche quelques clichés embarrassants. Non, le rap ce n'est pas facile. S'il a l'avantage d'être économiquement accessible, ne requérant du rappeur que son adresse verbale, il n'a rien de simple. Il réclame discipline, contrôle, maîtrise, et surtout une grosse pratique, de longs entrainements et une connaissance approfondie de ses classiques.

How To Rap 2 a aussi le mérite de rappeler l'essentiel : non, le rap ce n'est pas de la poésie. Il ne saurait exister sans ce beat avec lequel il dialogue et il joue. Ce n'est pas non plus que du texte, ce n'est pas du message. Le sens n'est qu'accessoire. Ce n'est pas qu'une démonstration de facilité verbale. La virtuosité est une perte de temps, si au final l'impact esthétique fait défaut. Le rap, c'est avant tout de la musique.

Paul Edwards le montre clairement dans les premiers chapitres, quand il décortique les techniques vocales et rythmiques, notamment dans ces longs paragraphes sur une pratique qu'à la même époque, en 2013, les Migos et quelques autres s'apprêtent à placer au cœur de l'actualité rap, le "triplet flow". Coïncidence ou pas, ce passage arrive à point nommé pour expliquer en quoi consiste ce phrasé déjà largement pratiqué par les rappeurs, mais promis à un grand avenir les années d'après, et quel est son effet sur l'auditeur.

Ce livre, aussi, est clair, il est didactique, l'auteur utilisant un diagramme pour visualiser comment les rappeurs jouent avec les beats, comment ils peuvent placer leurs rimes, leurs silences ou leurs accentuations, en fonction du rythme. Tout cela est édifiant, pour qui doute encore de la complexité du rap, et de la virtuosité que requière sa pratique.

Cependant, How To Rap 2 se présente comme un manuel pour aspirants rappeurs, il est la longue recension des procédés à leur disposition. En conséquence, il lassera bien vite tous les autres, ceux qui s'intéressent au rap sans prétendre s'y adonner. Il y a quelque chose de laborieux et de scolaire dans ce long exposé quand, sur des pages et des pages, l'auteur liste les divers placements de rime possibles. En dévoilant les recettes du rap, Paul Edwards tue l'amour. Cet art mystérieux n'est plus qu'une suite de techniques triviales.

De plus, toutes ne rendent pas compte de la spécificité intrinsèque des raps : sa nature essentiellement rythmique, son articulation avec le beat. Beaucoup des méthodes présentées, modulations mélodiques, altération du timbre et du son de la voix, placement de rimes, utilisation de bégaiements et d'onomatopées, s'appliquent à toutes les disciplines vocales, le chant, notamment. Elles n'ont rien de spécifique au rap et au hip-hop. Elles vont plus loin que les "advanced flow & delivery techniques" annoncées en sous-titre.

Tout cela fait de ce second volume un ouvrage pour les complétistes. On racle les fonds de tiroir. On transforme cette école buissonnière formidable qu'est le rap en un long cours fastidieux sur les bancs inconfortables d'une université virtuelle. Car en fait, on en arrive toujours là. Avec n'importe quel art, n'importe quelle esthétique, en particulier s'ils ont du succès, finit toujours par sonner l'heure de l'académisme.

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