Mach-Hommy a eu besoin de trois ans pour sortir ce nouveau "vrai" album, et pour cause : #RICHAXXHAITIAN est ce qui pourrait ressembler le mieux à un blockbuster, dans le monde très particulier du rappeur du New Jersey. Après l'album de la révélation en 2016 (H.B.O) et celui de reconnaissance en 2021 (Pray For Haiti), voici donc celui de la consécration, en tout cas dans le cercle de la critique et des amateurs avertis. On y retrouve tout ce qui caractérise une œuvre ambitieuse : plusieurs producteurs reconnus, des invités de renom, une musique travaillée qui traverse plusieurs styles et l'affirmation ultime du style propre à son auteur.
Plusieurs rappeurs et beatmakers, en effet, prêtent main forte à Mach-Hommy. Mais dans un registre délimité, celui d'un vieux rap East Coast qui joue les prolongations (Black Thought, Roc Marciano, Your Old Droog, Tha God Fahim), voire d'un rap californien pointu (03 Greedo).
La musique voit large, on l'a dit. On entend une sorte de rock acoustique et psychédélique sur le très beau "(...)", du piano bar en fin de "POLITickle", du jazz rap sur "Copy Cold", des rythmes de club sur "#RICHAXXHAITIAN", du gospel bancal sur "Holy ", des expérimentations sur "Padon"... Et sur "The Serpent And The Rainbow", le rappeur chantonne par-dessus un accordéon. Tous ces sons, malgré tout, restent à porté de vue d'un continent particulier, celui de l'après-boom bap sans boom ni bap entendu chez Roc Marciano et la clique Griselda. Celui aussi des esthètes de l'undergound, à travers les contributions de Conductor Williams, Quelle Chris, Georgia Anne Muldrow, Kaytranada et quelques autres artistes avec un grand "A".
Quant à Mach-Hommy, il affirme bel et bien sa posture. Il demeure ce rappeur secret qui ne veut pas publier ses paroles, dont on ne connait pas le nom et qui cache son visage derrière un drapeau haitien. Cet album rappé en anglais, en créole et en français (pour une reprise très personnelle du "Pont d'Avignon"), se réfère une fois encore au pays d'origine de sa famille. Ce n'est pas un hasard s'il est sorti la veille du Jour du Drapeau, une fête nationale importante. Mach-Hommy a la fibre politique. Il est un contempteur de Babylone, sur "Lon Lon". Il dénonce la situation à Gaza sur "POLITickle" et la cupidité des hommes d'affaire sur "Xerox Clat".
#RICHAXXHAITIAN est une sorte de blockbuster, mais délivré par les acteurs matures d'un genre mature qu'on appelle le rap. Et il parvient globalement à ses fins : malgré une fin moins saisissante que ses premiers titres, cet album finit d'installer Mach-Hommy parmi les grands.