Cela fait un moment, déjà, que tourne le nom de GloRilla. Que celle qui s'appelle Gloria Woods dans la vraie vie s'est imposée comme une figure du rap de Memphis. Elle a collaboré avec Hitkidd, Duke Deuce, Gangsta Boo (REP), Moneybagg Yo, mais aussi avec des personnalités extérieures à l'endroit, par exemple Cardi B. Elle a rejoint l'une des deux grandes écuries rivales de la ville, le CMG de Yo Gotti. L'an dernier, elle a figuré dans la promotion des Freshmen de XXL. Et mieux encore : début 2024, elle a été invitée à la Maison Blanche par Joe Biden et Kamala Harris, dans le cadre des célébrations du "Mois de l'Histoire des Femmes".
Bref, GloRilla figure en bonne place dans le paysage désormais bien fourni du rap au féminin. Et pourtant, Ehhthang Ehhthang n'est que sa première sortie officielle. Et encore prend-elle le soin de la désigner comme une "mixtape", comme pour repousser l'épreuve reine du premier album.
Ici, GloRilla déploie ce qui est attendu en matière de posture intimidante et de refrains entêtants ("No Bih"), et elle n'omet pas de rappeler d'où elle vient, comme avec ce "All Dere" dont les sons (club), l'invité (Moneybagg Yo), le thème (les gros fessier) et le sample (Project Pat), sont du Memphis pur jus. Et en parlant de Project Pat, il réapparait un peu plus tard sur "Wanna Be", quand un extrait de son "Don’t Save Her" sert à introduire une tonitruante déclaration d'indépendance en compagnie de Megan Thee Stallion.
On a beaucoup glosé sur le caractère soi-disant féministe des rappeuses américaines. Par idéologie, on a imposé à leurs textes de grilles de lectures étrangères, on les a embarquées dans des batailles qui n'étaient pas les leurs. Le rap est, pour l'essentiel, un art de l'individualisme, comme GloRilla le rappelle à travers quelques égo-trips de matamore ("GMFY (Pt. 2)") et saillies revanchardes ("In Dat Mode"). Ce qui importe, c'est de surpasser l'autre en aventures sexuelles, quel que soit le genre de la personne, comme sur "Finesse Da Glo", une battle à qui méprise le plus son amant entre la rappeuse et un autre collègue de Memphis, Finesse2Tymes.
Mais chez GloRilla, la sororité importe malgré tout, comme quand sur la mocheté R&B de "Aite", elle affirme que Cardi B et Nicki Minaj auraient plus à gagner à se liguer qu'à s'opposer. Le thème, c'est comment s'imposer dans l'univers rude du ghetto, que cela soit seul ou à plusieurs. Celui-ci n'a rien de neuf, toutefois, la rappeuse renouvelle quelques perspectives, comme sur ce très bon "Opp Shit", où son dilemme est de s'être éprise d'un membre du clan adverse.
Sur cette sortie, il y a matière à se sustenter. Et ce n'est même pas les singles tel "Yeah Glo!", générique bien sûr (en gros, j'écrase mes rivales et je nage dans le luxe), qui se démarquent, ni les escapades réglementaires vers le R&B (nous avons déjà parlé de "Aite") ou le rock ("Bad Bih 4 Ya"). Non, ce sont souvent les autres. Même le fielleux "Nun Of Dem" a quelque chose, malgré son minimalisme extrême. Alors, comme le suggèrent les derniers mots de la mixtape ("to be continued"), si vraiment tout cela n'est qu'un encas avant les affaires sérieuses, gare à la GloRille. Yeah, Glo !
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