Qui connait DaFunkShun (ou DaFunk$hun, ou encore Da Funk $Hun) de nos jours ? Pas grand-monde, sans doute, et pour plusieurs bonnes (mauvaises) raisons. Tout d'abord, la scène de la Baie a toujours été sous-médiatisée, compte-tenu de sa vivacité et de son influence, et donc le duo de Vallejo en a pâti. Ensuite, les frères Robert et Jason Gray n'ont pas eu une carrière longue, malgré une échappée en solo du premier sous le nom de Rob G. Enfin, ce n'est pas sur un label en vue qu'est sorti leur album (intitulé The Album, histoire de bien passer inaperçu...), mais chez les Allemands de Black Jam, avec en prime une réédition obscure chez des Polonais.

DAFUNKSHUN - The Album

Néanmoins, on a vu cet album qualifié parfois de classique de la mobb music. Et pour cause, il en est l'archétype. Cet objet produit par Rick Rivera et par Rob G lui-même est le disque californien typique des années 90, avec ses jolis synthés, ses sirènes en tous sens, son gangsta rap aux refrains mélodieux, voire sirupeux, ses histoires de gros sous et de survivants de rue, son sexe débridé ("Slide Through And Chill" et ses cris de jouissance), ses propos de mac au sexisme carabiné et sa célébration de l'art de vivre de la West Side.

Les influences funk sont particulièrement visibles. Elle sont annoncées par le nom même du duo, dérivé du groupe à succès Com Funk Shun, lui aussi de Vallejo, un groupe samplé sur l'irrésistible et le long "You Ain't Neva Lied". D'autres grands noms de cette école voient aussi leurs sons recyclés, Marvin Gaye sur "Honey", George Duke sur "Dukey Stick", et le "Ladies' Night" de Kool and the Gang est paraphrasé sur "Tonight", un autre temps fort de l'album. Les basses sont rondes, les claviers sont vintages et virevoltants, les guitares et l'esprit sont funky, les chants de coq châtrés sont constants, quand ils ne sont pas déformés au vocoder. Tout cela est très accrocheur. Ça l'est même exagérément.

C'est ce qui séduit tout de suite avec ce disque. C'est son aspect familier, c'est ce son West Coast doté d'atours extraordinairement mélodiques. Ces airs de recette, ces formules tant attendues et tant entendues, c'est ce qui lasse, quand l'humeur du jour n'y est pas. C'est trop beau pour être honnête. Mais le plus souvent, c'est ce qui attire, surtout quand cela aboutit à ce tube qu'est "Tonight", à ce "Murder May I" tout en chants féminins (avec un petit quelque chose de Bone Thugs), au somptueux "Tired, Tact Back" et à d'autres moments de cet indispensable presque perdu de la Bay Area.

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