RealYungPhil vient des alentours de Hartford, la capitale du Connecticut, qui n'est pas l'endroit le mieux identifié sur la grande carte du rap. De plus, il change régulièrement de producteurs et de patte sonore, s'appuyant sur des talents atypiques, par exemple les Suédois Gud, Woesum et Yung Sherman sur son album de 2023 Victory Music, connus surtout pour leur association avec Yung Lean au sein du groupe Sad Boys. Et sa musique, qu'il a commencé à enregistrer en chambre, désœuvré, pendant la période du COVID, n'est pas des plus saillantes. Ses sons, il les pioche dans ces genres profil bas que sont la plugg music et le cloud rap.
Cependant, le bouche-à-oreille a fonctionné, et la relocalisation dans cet endroit mieux exposé qu'est la Californie a joué en sa faveur, sans doute. Ces dernières années, ses albums Dr. Phil et Dr. Philvinci ont fait leur chemin auprès des critiques et des auditeurs le plus avertis, suivi cette année par le Victory Music susnommé, un album compact, aux plages courtes et peu nombreuses, et globalement réussi.
Celui-ci ne dévoile rien de la musique de victoire annoncée. RealYungPhil n'appartient pas au cercle des gagnants dont il est question sur le titre du même nom, "Winners Circle". Au contraire, domine ici une musique diaphane, faite pour l'essentiel de sonorités éthérées et d'ambiances contemplatives issues des musiques électroniques plutôt que du rap.
Et dans les propos déclamés sans pause par RealYungPhil, toujours sur le même ton, dans un style comparable aux compères RXK Nephew et Rx Papi (pour la petite histoire, ce dernier a conçu lui aussi un album avec Gud), on entend de l'introspection, de la tristesse, de l'inconfort, de la défiance et de la solitude. Derrière ces paroles qui parlent de filles, d'argent, de rivaux et de belles bagnoles, on devine l'univers habituel aux rappeurs, celui du deal et des quartiers, mais tout est abstrait et suggéré, plutôt qu'explicite.
Et les deux univers, celui de l'Américain et celui des Suédois, vont bien ensemble. Surtout quand des bribes de mélodie ou des samples fantomatiques subliment délicatement les titres "I Had Enough" et "Talk Of The Town", ou que de faux airs de rock shoegaze habillent le single "Opening Doors". C'est de cette alliance même, dont vient en fait la victoire dont il n'est jamais vraiment question sur l'album.
Fil des commentaires
Adresse de rétrolien : https://www.fakeforreal.net/index.php/trackback/3422