La carrière de Peezy a connu trois phases, qui sont aussi celle du rap de rue de Detroit, dans son ensemble. La phase locale, d'abord. Celle du milieu des années 2010, quand il est devenu le porte-drapeau de la Team Eastside. L'ascension, ensuite. Ce moment où, se rapprochant d'Empire, il a sorti certains de ses meilleurs projets, Ballin Ain’t A Crime et les deux No Hooks, celui aussi où il a attiré l'attention vers les voisins de Flint. Et puis, après un séjour en prison, s'est ouverte la période actuelle, celle de la reconnaissance nationale.
Cette troisième phase s'est concrétisée l'an passé par le succès du single "2 Million Up". Toutefois, elle n'est peut-être pas la plus exaltante. La scène de Detroit n'est plus aussi insulaire qu'autrefois. Elle influence significativement les autres, et elle s'ouvre pleinement à elles. Peezy lui-même, comme d'autres de ses compères, n'habite même plus dans le Michigan. Et son dernier album, Ghetto, démontre la dommageable normalisation du rappeur et de son univers. En plus des références locales BabyTron, Cash Kidd, Skilla Baby et RMC Mike, s'y trouvent les figures nationales Key Glock, Larry June et Ty Dolla $ign. Et le résultat se montre tiède.
Quelques mois avant Ghetto l'album, Peezy a sorti Ghetto le EP. Et celui-ci, quoique plus digeste et resserré, annonçait déjà la couleur. Il représente tout ce qui ne va plus à Detroit.
L'orientation mainstream est là, quand les producteurs enrobent le rap local d'un son ouaté ("Brooklyn Chop House", "Heart In It"), aboutissant à d'abominables titres quasi chantés ("First Night") ou à d'affreux duos R&B ("She Ain't Scared", avec Brielle Lesley), ou quand ils invitent Kash Doll ("FW That"), une rappeuse qui ne s'est vraiment souvenue qu'elle était de Detroit que quand la ville a eu du succès.
Quelques morceaux s'en sortent pourtant, comme "Gotti And Bandz" et "Don't Know Shit", même s'ils sont propulsés par des samples qui n'ont rien du rap du Michigan. Et avec ses histoires de thugs qui ont réussi, quand les pianos et les rythmes électriques sont de retour ("Real Stars"), on retrouve diluée, délayée, un peu de cette urgence et de cette odeur de rue qui ont fait un moment de Detroit en général, et de Peezy en particulier, la meilleure chose qui soit arrivée au rap. Cependant, la comparaison n'en est que plus cruelle.
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