Il y a de l'opportunisme dans l'air. Certes, Kash Doll est bel et bien de Detroit. Mais jusqu'ici, son style n'avait rien de particulièrement régional. C'était du rap généraliste, délivré par une disciple de Nicki Minaj (comme toutes les rappeuses appelées "doll" quelque chose), par une apprentie Cardi B (elle aussi, a commencé par le striptease) avide de succès à grande échelle, et bénéficiant d'assez d'appuis dans le business pour tourner dans des séries télévisées et pour côtoyer l'intelligentsia du rap : Drake, Iggy Azalea, Juicy J, Meek Mill, Wale ou, pour rester près de ses bases, Big Sean.
Cependant, à présent que le rap de rue de Detroit est à l'ordre du jour, on la voit côtoyer ses représentants. Elle a collaboré avec Tee Grizzley, Icewear Vezzo, BabyFace Ray et Tay B. Et cette année, alors que sa carrière n'évolue plus depuis son album Stacked, en 2019, pour cause de maternité, la rappeuse se fend d'une sortie long format dans le style local.
Back On Dexter, en effet, marque son retour dans sa ville, voire plus précisément dans sa rue, Dexter Avenue. Il s'agit d'une mixtape enregistrée avec les meilleurs rappeurs du cru, avec l'aide à la production d'un des grands architectes de cette scène, Joseph McFashion, le tout sous la houlette d'un DJ Drama tout récemment revenu au charbon, et qui lui aussi côtoie maintenant assidument les gens de Detroit.
Comme souvent, cette mixtape de la série Gangsta Grillz est un objet promotionnel, destiné à préparer la sortie prochaine d'un nouvel album. La proximité de Kash Doll avec tous ces gens parait téléphonée, tout autant que ces blablas marketing selon lesquels tout cela serait un retour aux sources et à l'authenticité. Mais enfin, cette rappeuse n'a jamais eu sa langue dans sa poche, la formule est désormais éprouvée, et quand Payroll Giovanni, Peezy, Sada Baby, Icewear Vezzo, Baby Money, Skilla Baby, Tay B, Cash Kidd, et les voisins de Flint Louie Ray, RMC Mike et YN Jay se retrouvent sur un album, ma foi, cela devient incontournable.
Back On Dexter est une célébration de la ville du Midwest. Ici, on emploie l'argot local, par exemple l'expression "on the flo", qui nomme la collaboration avec Sada Baby, et qui est aussi réussie que les morceaux déjà sortis sous le même titre par Baby Smoove et par Icewear Vezzo. On ne traite que de l'obsession des rappeurs locaux : l'argent, et tout le luxe qu'il autorise. Sur cette mixtape, à l'exception du finale érotique R&B (parfaitement accessoire) de "Make Luv", Arkeisha Knight insiste sur le "Kash" plutôt que sur le "Doll".
Et elle s'engage dans toutes les routines du rap du Michigan, comme ce le dialogue à bâtons rompus avec Coach Joey (alias Joseph McFashion, quand il passe au micro) qu'est "LOL" ou le shit talking à la mode de Flint de "Strugglin".
Souvent, la greffe ne fonctionne pas, elle parait artificielle. Les pianos brusques de l'intro sonnent creux. Les cloches du morceau classé X "All Hype" sont attendues. Antt Beatz, Helluva et Joseph McFashion ont beau s'y mettre à trois (et DJ Drama dire que, quitte à collaborer avec une fille, autant choisir la meilleure), "Add It Up" sent le réchauffé. On est dans la formule avec "Legit", la collaboration avec Payroll Giovanni, qui sonne plus Doughboyz Cashout que nature.
On préfèrerait presque les morceaux où la rappeuse s'efface au profit des autres, par exemple le détonnant posse cut "Oh Boy". Car au bout du compte, Kash Doll surjoue le style de Detroit, elle le surexploite. Mais enfin, il le mérite bien.
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