Fin de partie à Atlanta. Thugger en prison, Takeoff mort, c'est tout un pan de la génération trap music des années 2010 qui s'évapore. Celle des bandits hédonistes et dérangés qui ont plus consommé de drogues qu'ils n'en ont vendues. Peu après leur apogée, sont arrivées des personnages tels que 21 Savage et son cousin Young Nudy, plus inquiétants avec leur approche glaciale et horrifique du genre. Et désormais, des figures prometteuses comme Hoodrich Pablo Juan, qui croupit lui aussi derrière les barreaux, sont presque oubliées.
En 2016, pourtant, l'avenir semblait lui sourire. Après avoir commencé à percer un peu plus tôt en collaborant avec PeeWee Longway et en sortant Designer Drugz, et avant de rejoindre brièvement le 1017 Records de Gucci Mane, Sterling Leroy Pennix Jr. (son pseudonyme, il le tient évidemment de Pablo Escobar) venait de sortir coup sur coup deux très bonnes choses, une suite homonyme à la mixtape susnommée, abordée sur ces pages à l'époque, et puis Master Sensei.
Cette dernière est une plongée dans la trap music du milieu de la décennie passée. Elle contient toute l'essence de l'Atlanta de l'époque avec sa musique tourbillonnante, son flow précipité, cette voix de personnage de comics, ses hymnes sans queue ni tête à la réussite matérielle, ses allusions ébouriffantes aux marques de luxe et de médications, Louis Vuitton et Percocet, par exemple, sur le "Master Sensei Intro".
C'est bourré de répétitions délicieusement enivrantes et de bons mots joyeusement débiles qu'il serait difficile ou inconvenant de traduire, du type "I get all the white like I'm Head & Shoulders", sur le refrain du très bon "From The Hood", ou bien "fucked her in her mouth, my kids in her throat" sur "On The Road". C'est tellement foufou qu'on peine à le croire quand, sur "Don't Touch Nun", Hoodrich Pablo Rich prétend vendre toute sa came et ne rien consommer.
Quant à la musique, signée principalement par Spiffy Global et secondairement par Nard & B, elle fait des merveilles dans le style attendu de la ritournelle synthétique et virevoltante, avec un aspect enfantin amplifié par des sons qui évoquent un mobile pour bébés, comme sur "Blow It All". Elle est remplie de mélodies exquises, comme avec ce "Think He The Shit" à trois voix avec DrugRixh Pe$o (aujourd'hui RX PESO) et Yung Mal, ou bien le très charnel "Fuck Sum".
La production correspond au ton faussement ingénu de ce grand comique qu'est Hoodrich Pablo Juan. Elle contribue à faire de ce Master Sensei l'une des nombreuses pépites que nous aura laissées cette période bénie des plugs et des dieux.
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