Les débuts de Cash Kidd, c'était il y a dix ans déjà, avec la mixtape Bebe Kidd et son titre phare, "On My Mama". Depuis, le bébé a bien grandi. Il a bénéficié de la lumière apportée sur le rap de rue de Detroit, on l'a entendu avec plein d'autres grands noms de la ville (Eminem compris) sur le "Friday Night Cypher" de Big Sean, et plusieurs de ses sorties ont été remarquées, de Marc My Words aux deux No Socks. Tous les cinq ans, toutefois, il se souvient de ses débuts, puisqu'après un second volet en 2018, voici un autre successeur à sa première sortie. Et celui-ci est plutôt réussi.
C'est reparti, sur plus d'une heure, pour un déchainement de pianos agités, de synthés relevés, de pulsations électriques et de cloches entêtantes, pour des propos de voyou avide de joaillerie et adepte du scam, avec en prime l'humour, la voix aigre et les très nombreuses histoires de filles de l'intéressé.
Celui-ci s'en donne à cœur joie. Comme les plus grands, il se passe de refrain quand l'inspiration est là, y compris sur le tube de l'album, "Out The Way". Mais il peut aussi bien pousser la chansonnette, une autre de ses marques de fabrique, sur les titres "Can't Do It", "Missed Out Freestyle" et "Bebe 3", par exemple, ou sur le très bon "Still My Favorite".
Qui plus est, comme Cash Kidd est pris en main par EMPIRE, les connexions sont là. Celles, attendues, avec quelques-uns des héros de Detroit, Babyface Ray et Payroll Giovanni. Mais d'autres aussi, extérieures à la ville, comme avec le monument de la Bay Area E-40, sur "Say I Wasn't".
Cash Kidd élargit le registre. Il en a pour tous les goûts, comme sur un album de major. Il expose son petit cœur brisé sur "Same Kidd", il devient vulnérable sur les très bons "Kleptomaniac" et "Hold On", ou sur "Alone" il s'accommode d'un vilain chant R&B qui, comme toujours ou presque, ne sert à rien. Le rap tendu et énergique de Detroit laisse souvent la place à des morceaux plus atmosphériques, soutenus par des samples pitchés, tel le joli "Never Mind".
Cash Kidd pousse les murs, il s'aventure au-delà du Michigan, comme avec "Way 2 Cool", un titre à la Drakeo The Ruler en compagnie du regretté rappeur, produit par son beatmaker JoogSZN. Et il remet une couche de bon son californien sur "Insubordination", avec le BlueBucksClan.
C'est un album contemporain que ce troisième BeBe Kidd, caractéristique de cette époque où le rap de rue de Detroit n'est plus exclusivement régional, où il est paré de sons venus d'ailleurs et d'une aura plus nationale. Mais au moment où, après dix années de feu, les rappeurs du Michigan montrent des signes d'essoufflement, Cash Kidd délivre quant à lui l'une des meilleures sorties récentes de la région.
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