Nous le savons : s'il reste une seule chose à Gucci Mane, c'est son oreille musicale. Même s'ils ne sont que l'ombre de lui-même, ses protégés les plus récents sont, dans l'ensemble, pas si négligeables que cela. Pooh Shiesty, BigWalkDog et Big Scarr (repose en paix) méritent qu'on y jette une oreille ou deux. Et il en est de même pour BiC Fizzle, le complice de Cootie, issu lui aussi de Blytheville, dans l'Arkansas, qui au tout début de l'année a sorti son premier long-format.
Côté paroles son album est sans surprise, dans l'univers bien délimité de 1017 Records. Ce sont les platitudes trap music habituelles, des histoires de violence, de signes de richesse et de filles, racontées avec les outrances et l'humour décalé caractéristiques de Guwop, comme avec "Where U From", qui réinvestit la musique du "Jump" de Kriss Kross afin d'en faire un hymne pour strip clubs. Cependant, parfois, la posture de ce rappeur diffère. BiC Fizzle, en effet, aurait déniché ses influences du côté de Baton Rouge, auprès de ces grands rappeurs abimés que sont Kevin Gates et NBA YoungBoy.
Dès le premier morceau, "Story", le rappeur de Blytheville sort les mouchoirs, ses histoires d'enrichissement et de violence étant maculée de traumatismes et de fêlures soulignées par des cordes larmoyantes. D'autres titres font état d'idées noires, comme "Don’t Panic". Ils sont souvent agrémentés de guitares ou de pianos pathétiques. Et certains tournent au reportage social, comme "Chief", qui évoque la misère dans laquelle BiC Fizzle a grandi. Ses blessures, le rappeur en fait une source d'inspiration. Et il en a à revendre, puisque Clark Street Baby n'est rien de moins qu'un double-album.
Un double, vraiment ? Cela a-t-il encore du sens, à l'ère du streaming ? Eh bien dans ce cas, oui, car les deux parties de Clark Street Baby sont de natures distinctes. La première, c'est l'album proprement dit, avec des inédits, alors que la seconde est une collection de morceaux déjà sortis par BiC Fizzle sur diverses compilations du New 1017, des collaborations pour la plupart, avec tous ses compagnons de label, Gucci Mane ou des voisins et esprits frères tels que Quavo.
C'est ici, notamment, qu'on retrouve ses singles de référence "Turn Shit" et le très bon "Trap Mania", la collaboration très plaisante avec Gucci Mane et Quavo sur "Sno Cone" et l'alchimie naturelle de Bic Fizzle avec Cootie sur "So Icy Fizzle".
Ce qui est remarquable, c'est que la partie inédite vaut largement ces derniers, avec les déluges de violence et de bile de "Legend", avec Cootie et 1k'Jizzle, ou la mélancolie subreptice de "Can’t Go Broke", à propos de la peur de la déchéance et de la pauvreté. Le plus beau, c'est aussi que l'album est assez cohérent, en dépit de sa longueur. Il s'écoute sans mal d'un bout à l'autre, même s'il est standard, même s'il ne sort pas de l'ordinaire trap music, et que trop de producteurs, parfois même des Européens, y ont été convoqués.
Après la chouette année traversée par Cootie en 2022, BiC Fizzle confirme qu'il y a du talent, du côté de Blytheville.
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