L'un des morceaux les plus remarquables du premier album de Young Lay s'intitule "Got 2 Survive". Il s'agit d'un titre gangsta rap usuel à propos des périls de la rue et de la nécessité de les surmonter, dont la particularité est d'être renforcé par quelques autres personnages de la Bay Area : Ray Luv, Mac Mall et 2Pac. Le dernier de ces trois hommes, on le sait, n'honorera pas cet impératif de survie : Tupac mourra peu de temps après la sortie de ce titre. Et si Young Lay, lui, est toujours vivant, il a été confronté à de très sérieux problèmes. Un an avant ce premier album, on lui a tiré dans la tête à Vallejo, et il a dû suivre une rééducation pour être capable de parler encore. Pire, quelques semaines avant même la sortie de cet opus, deux femmes ont tué sa jeune compagne, brûlé leur maison et enlevé leur petit garçon, resté longtemps disparu.
Le petit Le-Zhan ne sera retrouvé que six années plus tard, après que cette sombre affaire aura été traitée dans les émissions America's Most Wanted et Unsolved Mysteries. A cette époque, Lathan Williams, de son vrai nom, ne pourra même pas récupérer son fils. Jusqu'en 2010, il purgera une peine pour vol à main armée. 2Pac mort, la scène de la Bay Area toujours sous-médiatisé et lui-même en prison, il n'aura donc pas la reconnaissance attendue. Et c'est bien dommage. Car ce premier album est irréprochable, il est un classique perdu de cette période.
Produit par Khayree, membre comme Young Lay de la bande à Mac Dre, Black 'N Dangerous ne change pas la règle du jeu. Il s'agit de mobb music mélodique, sautillante mais rude, avec un flow souple et prompt aux accélérations. Cela traite des sujets habituels au gangsta rap californien : les filles, la weed ("Puff Puff Pass"), l'argent ("All About My $Fetti"), la frime du proxénète ("Playah's Mode"), le dur labeur du criminel ("Stickin’ 2 da Grind"), la violence ("Lawd Have Mercy"), avec en plus cette pincée de commentaire social qui subsiste alors, dans le rap, l'exemple le plus patent étant bien sûr "Got 2 Survive", une dissertation à plusieurs voix sur les Noirs condamnés au ghetto, à la persécution policière et aux sales préjugés de l'AmériKKKe.
Souvent agrémentés d'un feeling organique, à grand renfort de guitares funky, de basses, d'orgues ou de pianos baladeurs venus défier la dictature de la boucle, avec aussi les sirènes de saison et la voix mélodieuse de quelque chanteuse, les titres sont accrocheurs, en plus d'être une belle illustration du rap West Coast des années 90. C'est la musique californienne habituelle, mais dans sa version aboutie. C'est son essence, sa déclinaison quasi parfaite.
PS : à propos de Young Lay, lire aussi l'article publié autrefois sur Passion of the Weiss.
passionweiss.com/2014/04/07/unsolved-mystery-in-search-of-young-lay
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