Il se dit parfois que, pour sortir du ghetto, trois chemins existent quand on est Afro-Américain : le sport, la délinquance et le rap. Patterson Menard, lui, a d'abord essayé la première, avant de se perdre dans la seconde. Grâce à une pratique assidue du football américain, il a pu étudier dans une université de l'Indiana, mais il en a été expulsé pour possession de drogue. De retour en Floride dans le Comté de Broward, il ne lui est donc resté que la dernière issue : en 2018, il s'est mis à rapper sous le nom de Trapland Pat.
Ses efforts dans ce sens ont été récompensés : trois ans plus tard, le single "Big Business" a été un succès, et il a rejoint le label de Fredo Bang, Bang Biz Ent, en partenariat avec Alamo Records, celui de Todd Moscowitz. Et depuis peu, on peut le voir dans une vidéo interpréter une nouvelle version du même "Big Business" accompagné de Rick Ross.
Si lui-même n'en est pas encore une, de star, Trapland Pat en a la dégaine. Il est un grand gaillard, aux dents armées de grills, la tête surmontée de cette coiffure en pétard typique des rappeurs haïtiens de Floride, Kodak Black en tête, et il aime faire le zouave dans des vidéos loufoques, roulant ses gros yeux à la manière d'un personnage de cartoon, déclamant ici et là son ad-lib à lui, un absurde "duh-duh-duh".
Tout est dans la forme, semble-t-il, avec ce garçon. A l'occasion, il peut se livrer au jeu de la confession, comme sur le freestyle "On The Radar" ou sur ce "Stranded" serti d'une guitare adéquate. Il peut nous dévoiler l'envers du décor de la délinquance sur "Cappin’" ou, avec Fredo Bang, exposer son petit cœur brisé sur "Love & Heartbreaks". Mais le plus souvent, avec la morgue de ceux qui ont bâti quelque chose à partir de rien, Trapland Pat ne fait que la ramener avec ses vantardises génériques à propos des filles et de l'argent.
Tout cela pourrait être rasoir dans le monde balisé de la trap music, si le rappeur ne jouait pas d'un phrasé versatile, prompt aux changements de tempo et doté d'une impression de facilité, comme sur ce "Free All My Zombies" où il semble parfois dialoguer avec lui-même. Pas grand-chose ne sortirait de l'ordinaire si, de surcroit, le Floridien n'était pas servi par les sons idoines délivrés par son partenaire habituel, le producteur PepperJack Zoe, et par quelques autres.
Grâce à eux, Trapnificent nous dégote quelques trouvailles comme ce "4 & A Baby" produit par Hardbody Heero et Hardbody B-Eazy, ainsi que des titres qui tapent fort comme cette autre collaboration avec Fredo Bang à l'intitulé très Future, "Astronaut Status", ou ce duo avec le rappeur de Brooklyn drill Eli Fross, "Hellcat", avec son instru électro.
Ailleurs, Trapland Pat délivre des choses encore meilleures, comme l'excellent "Losses", une revue tambour battant des périls de la rue et de sa vie, le belliqueux "D.O.A." où, appuyé par Big30 il s'en prend à ses "opps", le léger et l'entrainant "Motions", la lamentation de "Stranded" et la conclusion douceâtre de "Routes". Face à ces pépites, les passages de feignant tels que "Put That Shit On" ne font pas le poids, ils plombent à peine ce Trapnificent tout à fait plaisant.
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