Toujours revenir aux sources. Toujours, si on veut vivre le vrai truc, si on veut le saisir, si on cherche le chemin du Saint Graal. C'est une règle absolue dans une discipline, la musique, qui n'en compte aucune autre. Elle se vérifie avec l'un des plus grands des années 2010. Car avant cet apex critique qu'a été l'album DS2, en 2015, il y eut l'œuvre originale, celle qui lui a donné son nom, à l'époque où Future était assez méconnu pour nommer sa mixtape d'après une drogue, en toute impunité, sans encore la masquer par un acronyme.
Sorti en janvier 2011, Dirty Sprite n'est qu'une bête mixtape, avec une pochette saugrenue typique de l'époque et le renfort en pagaille de rappeurs du coin (son parrain Rocko, son ami Young Scooter, Tity Boi / 2 Chainz, Travis Porter, Cap 1), de ceux d'ailleurs (Twista) et de tous les producteurs des environs (Zaytoven, Mike Will, Sonny Digital). Tout cela n'est pas encore distinct de la pléthorique production d'une trap music qui vit alors, à Atlanta, ses plus belles années.
Ce sont les mêmes excès, les mêmes ritournelles entêtantes et les mêmes mélodies enfantines que l'on entend alors chez Gucci Mane et ses disciples. "We Winnin", "Watch This", "Old Hundreds" (tous deux déjà présents sur sa mixtape d'avant, Kno Mercy), "Pop Them Bands", "Racks", "On 2 Us", "Splashin’" sont les mêmes odes absurdes, gaillardes et scintillantes à la réussite, à la belle vie et à l'argent. Ce sont aussi des hymnes au strip club tels que "Yeah Yeah", avec Tity Boi, et des histoires de femmes-objets qui leur tombent dans les bras, comme sur "I Got Yo Bitch" et "Pajamas".
Mais déjà, se perçoivent les particularités de Future. On découvre ici son grain de voix chaud et éraillé. On entend sur "Stand" ce rap chanté qu'il reprendra maintes fois, et sur "Conceited" et "Pajamas" ce flow métronomique qui le caractérisera également (pour la petite histoire, sur ce dernier titre, Future fantasme déjà sur sa future compagne, Ciara).
On entrevoit sur "4 My People" ses penchants futurs pour la confession. Quand il prétend n'avoir jamais été si défoncé sur "Never Been This High" et qu'il commence à jouer de la métaphore spatiale, quand il rend hommage au dirty sprite sur "Much More" et sur le titre homonyme, ainsi qu'à ces personnalités mortes connues pour avoir été violemment accrocs à la lean (Pimp C, DJ Screw, Big Hawk), s'annonce aussi cette nouvelle transformation de la trap music, qui passe alors de musique de dealer à musique de drogué.
Et puis surtout, il y a sur Dirty Sprite les premiers tubes de Future, ceux qui ont porté l'attention sur lui, comme "Racks", à l'origine un morceau où il secondait son collègue YC, comme "Splashin’" aussi, et d'autres petites perles telles que ce mélodique "Upper Echelon", cet excellent "Pajamas" ou encore ce "We On Top" qui annonce les meilleurs morceaux de Young Scooter, tout autant que ceux de Future.
C'est ici le point de départ d'une des carrières les plus riches du rap. Cette année même, sortiront d'autres mixtapes historiques (et souvent supérieures) telles que True Story, Free Bricks avec Gucci Mane, la prodigieuse Streetz Calling, puis en 2012 Astronaut Status, ainsi qu'un premier très grand album, Pluto. Car avant, bien avant que Future ne parachève son statut de grand du rap avec DS2, beaucoup, déjà, est délivré, à l'époque bénie où apparaît le premier Dirty Sprite.
Bien avant son run de 2014-15, si célébré par le complexe médiatique, il y eut celui de 2011-12, lancé par cette mixtape. Et il faut toujours, on vous l'a dit, en revenir aux sources.
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