Le rap change. Les mouvements musicaux le traversent et disparaissent. De nouvelles scènes régionales surgissent année après année, avant d'être englouties par la vague suivante. Mais la musique de Gucci Mane, elle, perdure. Elle le fait en Géorgie. Elle le fait dans le Tennessee. Elle le fait même dans l'Illinois, on l'a rappelé il y a peu, à travers le retour gagnant de Z Money. Et elle le fait enfin dans l'Arkansas, à en croire deux des protégés les plus remarquables de l'homme d'Atlanta, BiC Fizzle et Cootie, présents l'an passé sur la compilation So Icy Boyz, et tous deux issus des lieux.
Cootie a intitulé son premier album Welcome to the Trap, et il ne ment pas sur la marchandise. C'est exactement de cela qu'il s'agit sur ses quinze morceaux très courts : d'une suite de divagations sur la conception et le trafic de drogue, avec son cortège de filles faciles, d'hommes morts et d'argent sale, énoncées sur des beats claironnant, ou sur d'autres qui font si bien dodeliner la tête avec leurs mélodies simplettes qu'on en oublie l'outrance du propos, comme avec les excellents "Flip" et "Brixx", tous deux des relectures de titres emblématiques de la mixtape de Guwop EA Sportscenter.
Ce sont les vantardises d'un expert du Pyrex au poignet agile et d'un dur-à-cuire qui plait aux femmes, sur ces temps forts que sont "Acting Tough" et le chantonné "Extra". Tout juste Cootie paraît-il moins burlesque que son modèle, sa voix étant plus sérieuse, voire grave sur le titre "Big Dreams".
"I feel like Gucci in '09", dit-il sur le dernier titre, samples du maître à l'appui. Je me sens comme Gucci en 2009. Et pour cause. C'est de la trap music dans son expression la plus pure, celle popularisée il y a quinze ans par Guwop, mise à jour avec quelques routines ultérieures telles que la flûte et les répétitions à la Migos de "Trap Out Da Spot". C'est celle des autres protégés de Gucci Mane, Big Scarr et BIG30, tous deux présents sur cet album. C'est aussi celle défendue par le regretté Young Dolph et par son disciple Key Glock.
Blytheville, d'où vient Cootie, n'est d'ailleurs qu'à quelques encablures de leur bonne ville de Memphis, celle aussi de Project Pat, le géniteur original de ce style, celui-là même qui a été le modèle de Gucci Mane. La filiation est d'autant plus évidente que Cootie imite son flow sur "On the House", et qu'il y reprend aussi la musique de son "Blunt to my Lips". Il remonte même plus loin dans la tradition de la chanson afro-américaine sur le deal de drogue, quand il détourne sur "Supafly" le "Pusherman" de Curtis Mayfield.
"Cootie here to bring the trap back", déclare le rappeur sur l'album. "Cootie est là pour ramener la trap". Et en effet, le long de ces quinze titres, il nous y transporte en plein cœur.
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