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BEASTIE BOYS  - Ill Communication

Albums rap

BEASTIE BOYS - Ill Communication

En 1994, Ill Communication marque un changement dans la carrière des Beastie Boys. A savoir que, cette fois, il n'y a plus de changement. Alors que, jusqu'ici, le trio s'est réinventé à chaque nouvelle sortie, de rockeurs punks à sales rappeurs braillards, puis de génies du sample à multi-instrumentistes rétro, il en reste désormais au dernier stade de son évolution Pokémon, celui de l'album précédent, Check Your Head.

BEASTIE BOYS  - Ill Communication

Plus aucune de leurs œuvres ne s'écartera tout à fait de cette posture de musiciens éclectiques brassant en un grand tout branché funk, jazz, rock et hip-hop old school. Les trois New-Yorkais se sont semble-t-il trouvés une bonne fois pour toutes. Et le grand public, lui, les a retrouvés, cet album renouant avec le succès du premier, Licensed to Ill.

Ill Communication est en effet le second opus des Beasties à atteindre le sommet du Billboard. Portés par un changement d'ère, ils retrouvent alors une immense popularité.

Au milieu des années 90, en effet, les jeunes Américains ont deux grandes passions musicales, d'un côté le rock alternatif issu de la scène punk hardcore, et de l'autre le hip-hop. Or, le trio a été pionnier dans ces deux genres. Et il n'a pas son pareil pour les concilier, comme sur le single monumental qui porte l'album, le bruyant et l'imparable "Sabotage", un morceau d'autant plus efficace qu'il est soutenu par une vidéo culte mise en scène par un Spike Jonze au début de sa carrière, et délicieuse avec sa parodie de vieille série policière.

Ce titre, toutefois, n'est pas le seul à marquer les esprits.

Les deux opus précédents sont souvent les préférés des esthètes, mais à leur différence Ill Communication enchaîne les tubes. Outre "Sabotage", il y a "Sure Shot" avec sa flûte et son "cause you can’t, you won’t and you don’t stop" récité à trois voix, deux éléments irrésistibles qui, en plus d'ouvrir le single, en font de même avec tout l'album. On y trouve par ailleurs "Get It Together", avec l'intervention savoureuse de Q-Tip, bon comme un très grand morceau d'A Tribe Called Quest. Et puis, légèrement moins marquant que ces trois-là, il y a aussi ce "Root Down" jazzy et funky à souhait.

Quant au reste, il consacre la formule bigarrée inaugurée sur Check Your Head avec ces futures constantes dans la carrière des Beasties : les hommages nostalgiques aux origines du hip-hop avec ce "B-Boys Makin’ with the Freak Freak" qui sample Rammellzee et qui évoque leurs débuts, les instrus rétro et funky ("Bobo on the Corner", "Sabrosa", les jolis "Ricky’s Theme" et "Transitions"), l'amalgame en un tout cohérent de plusieurs genres (reggae, funk, rock et percussions latines sur "Futterman’s Rule"), d'autres surprises encore tel le violon oriental de "Eugene's Lament", ou simplement du rap, mais avec le sample qui tue ("Flute Loop").

Tout cela confirme que les gamins gueulards d'antan sont devenus maintenant des esthètes, que la bestialité a définitivement laissé place à l'art. Qu'ils sont à présent les Beatsie Boys, comme ils s'appellent eux-mêmes sur "Root Down".

En dépit de ses décharges d'énergie juvénile, malgré la présence marquée de saillies hardcore issues de leur jeunesse punk (outre "Sabotage", il y a "Tough Guy" et "Heart Attack Man"), Ill Communication nous laisse entrevoir des adultes. Maintenant presque trentenaires, les sales gosses de la décennie précédente se préoccupent de féminisme ("Sure Shot"), d'écologie ("The Update") et de spiritualité bouddhiste ("Shambala", "Bodhisattva Vow"). Sur ce même "Sure Shot", MCA nous parle même de ses cheveux grisonnants.

Recourant intensément au name-dropping, ils multiplient aussi les références musicales et culturelles : outre des basketteurs et un acteur porno, sont mentionnés Dr. John, Lee Dorsey, Lee Perry, Dick Hyman, The Meters, Archie Shepp, Yusef Lateef, les Blackbyrds, Elvis Costello, Buddy Rich, Billy Joel, Pretty Purdie, et ce Biz Markie invité ici-même.

Mike D, MCA et Ad-Rock montrent qu'ils sont les produits des milieux bohèmes cultivés de New-York et de Californie, leurs deux lieux de résidence. Au terme de la croissance observée dès les deux opus précédents, les Beastie Boys se sont mués en Beastie Men. Et on a peu perdu au change.

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