C'est parti pour Lonnie Bands. Après les moments difficiles qui l'auront vu perdre plusieurs proches, dont un bébé et deux compères du collectif BandGang, au terme d'une période pénible pendant laquelle il fut lui-même canardé, le rappeur a répliqué en 2021 avec un album nommé gaillardement Hard 2 Kill, qui témoigne de sa nouvelle aura en invitant quelques gens extérieurs à Detroit tels que Young Nudy, OhGeesy et EST Gee. Cependant, ce n'est pas de celui-là qu'on souhaite parler ici, mais plutôt d'un autre sorti cette même année. Street Dream Team, s'intitule-t-il, et il prouve autant que l'autre que Lonnie a étendu son terrain au-delà de sa ville, en s'offrant les services du producteur d'Atlanta Trocon Roberts, alias Fki 1st, qu'on a vu côtoyer Diplo, Iggy Azalea, 2 Chainz, Post Malone, Travis Scott, et bien d'autres encore.
Cet album est sorti sous l'égide de Good Gas, la structure avec laquelle le producteur cherche à promouvoir des talents. Pour l'essentiel, cependant, l'équipe de rêve en question est basée dans le Michigan. Ici, Lonnie Bands ne s'éloigne pas de ses bases. Outre le Californien Rob Vicious, de Shoreline Mafia, ses collaborateurs sont son compère BandGang Biggs, GlockBoyz TeeJaee, Courtney Bell et YSR Gramz, pour citer les plus connus, ainsi que le meilleur rappeur de Detroit dans un autre style que le rap de Detroit : Boldy James. Ce dernier intervient en effet sur trois morceaux, dont celui qui intitule l'album, et qui n'est rien d'autre qu'anthologique. Avec sa musique étrange et lancinante, son rythme fébrile, le refrain entonné par Lonnie de sa voix nasale et la complémentarité de ses trois OGs (le troisième larron est Biggs), "Street Dream Team" est l'un de ces titres introductifs si forts que toute la suite en paraît fade.
Elle est pourtant loin de l'être. Ici, Fki 1st, se fond dans le son de Detroit, mais avec les signes distinctifs attendus de la part d'un homme qui aime se frotter à l'EDM. Par exemple le piano, habituel dans le rap du Michigan, devient très minimaliste sur "Globetrotters", et des chinoiseries inattendues habillent "Power". Le producteur accompagne au mieux les expériences tentées par Lonnie, comme ses susurrements et ses accélérations sur "We On That", sa scansion saccadée sur " All Bite No Bark", avec IAMTK Peso, autre rappeur du cru, ou ses chants sur "Blunt w God". Le produit est inégal, mais il contient quelques perles, comme "Turn It Up", à rajouter à la longue suite de tubes proto-trap à flûte, le carillonnant " Black Jews" et sa profession de foi de garçon des rues, le conclusif "Be Me" avec ses changements de tempo, ou bien "Don't Feel The Same", avec son autre intervention gagnante de Boldy James.
"They say I am too street for MTV", dit le rappeur sur "Funkadelic". Ils disent que je suis trop rue pour MTV. C'est juste. Mais ce qu'il declare sur "Turn It Up" est tout aussi vrai : "If I die right now, I may live together: definition of a legend". Si je meurs maintenant je vivrai pour toujours : définition d'une légende. Des gens ont beau lui tirer parfois dans la tête, on ne lui souhaite pas de suivre le destin tragique de ses proches. Mais oui, à Detroit au moins, au cœur de la scène la plus exaltante des six ou sept dernières années, Lonnie Bands a gagné ses galons de grand.
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