Il y a dix ans, au tout début de sa carrière, Young Thug avait intitulé ses premières mixtapes I Came From Nothing : je suis issu de rien. Mais aujourd'hui, indubitablement, il est quelqu'un. Sortie quelques mois avant son dernier album, Punk, la deuxième édition de sa compilation Slime Language, délivrée avec son disciple Gunna, prouve cela de manière éclatante. Alors que plusieurs morceaux vantent leur train de vie de rock stars, la pochette exhibe les deux hommes dans un cadre clinquant et elle les montre très bien entourés. Sur cet album, en effet, ils sont accompagnés par à peu près toute l'aristocratie du rap actuel : Drake, Future, Travis Scott, Big Sean, Meek Mill, Kid Cudi, Lil Uzi Vert, Nav, Rowdy Rebel, l'Anglais Skepta, auxquels s'ajoutent DaBaby, Don Toliver et Jim Jones sur une version deluxe. Et à ceux-là s'adjoignent les membres du label de Thugger, YSL, parmi lesquels sa copine, son frère, ses sœurs, sa fille et son neveu.

YOUNG STONER LIFE, YOUNG THUG & GUNNA - Slime Language 2

C'est beaucoup, beaucoup trop de monde. Cela ne peut aboutir qu'à une œuvre disparate, longuette et boiteuse. Mais le succès de cette compilation, numéro 1 au Billboard dès sa sortie en avril, indique qu'elle contient tout de même une poignée de tubes. Il y a évidemment les singles officiels, "Ski" avec ses violons, "Solid", où il est question bien sûr de luxe et de fille, Drake étant ici l'invité de Gunna et de Young Thug, le délire hédoniste de "Get Fucked Up" avec Yung Kayo, Yak Gotti et Sheck Wes, ainsi que les plus saillants de tous, cet irrésistible "Take It to Trial", avec Yak Gotti encore, où on retrouve un peu du Thugger possédé des origines, de même que "That Go!", où intervient un autre grand halluciné des années 2010, Meek Mill.

D'autres morceaux encore auraient pu prétendre être des singles, comme le très mélodique "Diamonds Dancing", la collaboration avec Travis Scott, "Came and Saw" avec Rowdy Rebel et des cuivres en fanfare, ou les autocongratulations de "Proud of You", avec Lil Uzi Vert et Yung Kayo. Même la clique familiale de Young Thug s'en tire parfois avec les distinctions. Sa compagne Karlae, par exemple, joue très bien son numéro de "bad bitch" sur le réussi "Trance", avec Yung Bleu. Et placé en toute fin, le remix du "My City" de l'artiste maison YTB Trench se montre très honorable, dans la catégorie du titre "conscient" et mélancolique.

Au bout du compte, malgré de gros pétards mouillés comme "Superstar" et "Moon Man", les collaborations avec Future et Kid Cudi, cet album compilatoire et collaboratif est prodigue. Sa seule faute, aujourd'hui, c'est son manque de surprise. C'est de se conformer à un style désormais établi et prévisible, avec sa trap music à flûtes, ses flows foufous, ses onomatopées et ses répétitions obsédantes, son approche abstraite et surréaliste des thèmes rabâchés du sexe, du luxe, de la drogue et de la violence, et ses quelques romances syndicales comme "I Like" et "Como Te Llama". Le Young Thug institutionnalisé de Slime Language 2 n'est plus celui de 1017 Thug et de Barter 6. Ce n'est même plus celui des très sous-estimés I Came From Nothing. C'est seulement celui qui, après avoir révolutionné le rap tout au long des années 2010, mérite sa place au centre du jeu, dans la grande salle du trône de la musique américaine.

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