Parce qu'elle s'étend désormais à des villes voisines ou périphériques, on ne parle plus de la scène de Washington, mais de celle de DMV, du nom de l'ensemble de son aire urbaine. De la même manière, en raison de son expansion, le rap de Detroit est devenu celui du Michigan. Et il en est de même pour celui très anciennement établi autour de la Bay Area : à présent, il faut parler de la Californie du Nord, puisqu'on y associe souvent Sacramento, ainsi, dorénavant, que Stockton. Située à l'est de San Francisco, un peu plus dans les terres, cette ville abrite les derniers rappeurs sous les feux de la rampe, du côté des médias spécialisés, depuis qu'en fin de décennie ont émergé des figures telles que MBNel, Haiti Babii, puis les Hotboiz, l'émanation d'un gang appelé EBK (pour Everybody Killa…), suivis par EBK Young Joc, Acito et Young Slo-Be.
Ce dernier s'est imposé à travers sa série de tapes Slo-Be Bryant, dont la troisième édition est sortie récemment. A celles-ci s'ajoute un autre projet particulièrement abouti, Red Mamba (encore une allusion à Kobe Bryant, connu comme le Black Mamba). Ce dernier est l'une des meilleures choses à être sorties de la scène de Stockton. Confirmant une nouvelle fois les liens étroits entre les scènes raps des deux Etats, il bénéficie notamment du renfort du producteur du Michigan Sav. Celui-ci apporte à Young Slo-Be les sons électriques, les touches de piano menaçantes, les basses lourdes, voire les cloches, en vigueur tout là-bas, mais il en tire une atmosphère plus contemplative, usant de sonorités plus lentes, toutes en ambiance, avec parfois les aboiements sourds d'un chien pour marquer le rythme, voire le croassement lointain d'un corbeau, avec même un bout de mandoline et de violon sur "Riko Swavo".
Tout cela convient au style du rappeur. Car celui-ci, en effet, a un flow particulier. Young Slo-Be s'inscrit dans une tendance forte du rap, déjà observée du côté de la scène de DMV, ou avec Drakeo the Ruler (la parenté avec le rappeur de Los Angeles est confondante sur "Another 1") : ses raps sont des murmures, parsemés de soupirs et de respirations. Ses menaces, ses propos de voyou, il les chuchote comme s'il ourdait un mauvais coup, les rendant plus inquiétants encore. Domine ainsi sur Red Mamba une couleur sombre, un profil trompeusement bas, même si Young Slo-Be dégaine ci et là quelques titres plus relevés, comme le susnommé "Another 1", la composition en cloche et piano et "Asshole", ou les angoissants "NGH" et "21 Thoughts", quelques-uns des moments les plus remarquables sur cet album très homogène.
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