Je voudrais revenir en 2011. Je souhaiterais connaître à nouveau cette époque où les albums de rap officiels étaient barbants au possible, mais où on s'en contrefichait, Datpiff crachant semaine après semaine des mixtapes qui les valaient amplement. J'aimerais une fois encore connaître ce temps où, dans la foulée de Waka Flocka, cette musique retrouvait de son urgence, de sa spontanéité, de son danger, où elle redevenait jeune, nouvelle, parfaite dans son imperfection.

FRENCH MONTANA, JUICY J & PROJECT PAT - Cocaine Mafia

J'apprécierais que, comme cette année-là, de vieux briscards tels que les vétérans de Memphis réalisent à nouveau que la respectabilité et les Oscars ne servent à rien, qu'au contraire ils vous neutralisent et ils vous momifient, et qu'il vaut mieux revenir aux recettes qui, aux premières heures de votre carrière, ont fait de vous la référence que vous êtes. Je désirerais que tous les jours, se produisent ces belles rencontres entre New-York et le Sud, comme celle qui eut lieu sur cette mixtape de Juicy J, Project Pat et French Montana.

Cette collaboration entre le Coke Boy et la famille Three 6 Mafia, intitulée logiquement Cocaine Mafia, sort à l'issue d'une année très chargée pour tous ces gens. En 2011, Juicy J a prouvé qu'il a retrouvé toute sa jeunesse avec le second Rubba Band Business et le premier Blue Dream & Lean. Son grand frère Project Pat a sorti un album officiel, Loud Pack. Quant à French Montana, il est au beau milieu de sa série des Coke Boys, et quelques jours plus tôt à peine, il a proposé une collaboration avec Waka Flocka, Lock Out. Cocaine Mafia arrive donc en bout de course, en décembre. Et pourtant les trois hommes n'ont rien perdu de leur énergie.

Sur Cocaine Mafia, on entend ces paroles si Three 6 Mafia à propos de flingues qu'il faut faire parler, de haters qu'il faut réduire au silence, de stripteaseuses lascives, de prostituées rentables et de femmes vénales qui savent se rendre désirables. On parle de liasses de billets qui s'empilent jusqu'au ciel, de cet argent qui bien sûr, gouverne tout autour de lui, et de cette drogue qui vous envoie très haut en l'air et qu'il faut savoir faire fructifier. On goûte à cette musique horrifique si typique de Memphis, mais agrémentée du flow du Marocain et d'une emphase sauvage à la Waka Flocka Flame, à son comble sur des tueries telles que "Catch Ya Later".

On se délecte de l'ode à la défonce et au strip-club "Weed & Hennessy", de l'hédonisme outrancier de "Money, Weed, Blow", de la version originale de ce "Choppa Choppa Down" qui en comptera bien d'autres, du titre chanté syndical, "Self Made", avec Akon, de cet "Helicopter" qui porte bien son nom avec ses sons tournoyants, tout comme des menaces de mort de "If It Comes Down to It". On se réjouit de la façon dont ces mafieux de la coke usent d'un sample de Diana Ross sur "Morning Paper", ou d'un autre, de Guwop cette fois, pour marquer le rythme sur "I’m Gutta Brah".

On apprécie le renfort de Lex Luger, sur un "Is You Kiddin Me?" si caractéristique de son style avec ses mélodies sommaires qui changent d'octave. On se réjouit aussi de l'irruption d'un Harry Fraud alors en pleine ascension, sur "Do It" et sur "Full of Everything". Sans oublier l'intervention de DJ Paul et celle, en personne cette fois, de Gucci Mane sur "Straight Cash". Tellement 2011 tout ça. Mais tellement bien.

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