A la fin des années 80, David Blake est une figure ascendante au sein d'une scène gangsta rap californienne en pleine ébullition. Sur la foi de ses premières mixtapes, notamment une Red Tape dont le nom souligne son allégeance au gang des Bloods (ou plus exactement à celui des Pirus), il suscite l'intérêt des labels. Eazy-E tente alors de l'intégrer à Ruthless, mais c'est Profile qu'il rejoint. Grâce à ces derniers, il peut retravailler la dernière mixtape qu'il a prévu de sortir. Doté du budget idoine, ayant accès aux prestigieux studios Westlake, ceux mêmes où Michael Jackson a concocté son Thriller, il le peaufine en quelques jours (après tout, le nom de DJ Quik vient de sa capacité à produire rapidement sa musique) et il le transforme en un premier album historique, fort des singles emblématiques "Tonite" et "Born and Raised in Compton".
En 1991, le gangsta rap n'a déjà plus rien d'une nouveauté. Et à bien des égards DJ Quik, qui arbore les Jheri curls alors encore de saison à Los Angeles, se conforme à des règles et des routines clairement établies. Sur ce Quik Is The Name produit quasi exclusivement par ses soins et que seuls ses compères AMG, Hi-C et 2nd II None secondent aux raps, celui qui se présente comme un "one man band" livre des récits de quartier, comme avec "Loked Out Hood", où il fait allusion aux Tree Top Pirus (DJ Quik, en effet, est l'un des premiers rappeurs à avoir revendiqué son appartenance à un gang), ou bien "Born and Raised in Compton", un hymne dans la continuité du "Straight Outta Compton" de N.W.A, et qui sample des mots de leur "Compton's In The House Remix". Toujours dans la même lignée, avec "8 Ball", il dédie un morceau à la liqueur de malt Olde English 800, comme Eazy-E l'a fait sur son titre du même nom. Et avec toute sa bande, il joue au fier-à-bras misogyne et menaçant sur "Skanless".
L'atout maître de David, cependant, c'est la production. La matière première est la même que pour la majeure partie du rap de l'époque, elle est funk. Les samples viennent souvent de ce genre musical. Mais plutôt que d'en extirper les percussions endiablées, DJ Quik en privilégie les phases les plus soyeuses et mélodiques, par exemple une guitare groovy dénichée chez Blowfly, les voix suaves de Betty Wright et des Emotions, le trombone de Fred Wesley, la basse de Cameo ou de B.T. Express, ou les orchestrations d'Isaac Hayes issues de son grand "Hyperbolicsyllabicsesquedalymistic". Aussi, dans l'esprit sampladélique de l'époque, loin de se contenter d'une boucle linéaire, il découpe et agence tout cela avec la science d'un véritable compositeur. Il a une grande oreille musicale, qui se traduit aussi, comme souvent dans ses albums à venir, par une plage instrumentale, un "Quik's Groove" tout bonnement somptueux, avec la délicate guitare funky et la basse bondissante déjà annoncées sur le titre "Dedication".
A l'exception de "Tear It Off", qui renoue avec les rythmes trépidants de la old school, les sons sont doux et lascifs, et les textes suivent la même pente : ils sont plus chaleureux et plus hédonistes. DJ Quik exalte les plaisirs du sexe sur "Sweet Black Pussy" et "I Got That Feelin'", et ceux de la weed sur le reggae de "Tha Bombudd". Et sur "Tonite", son plus grand tube, se remémorant une fête qui s'est terminée par une gueule de bois, il célèbre l'alcool et les grandes marques sur une musique voluptueuse, où l'on entend déjà celle popularisée un an après sur The Chronic par Dr. Dre. Quik Is The Name, en fait, amorce la transition de l'abrupt gangsta rap aux sons cajoleurs du g-funk, tout autant qu'il annonce le futur statut de DJ Quik, dans le grand panthéon du hip-hop : celui de deuxième producteur légendaire de Compton.
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