Que peut bien faire Devin Copeland en période de confinement ? Eh bien, fumer beaucoup de marijuana, naturellement. Se relaxer avec les siens, aussi. Et faire de la musique. Soit à peu près la même chose que d'habitude. Sur son dernier album, ne subsiste de cette expérience particulière que les premiers vers, où il dit attendre avec impatience la fin de la pandémie, ainsi que ce titre où, plutôt que la distanciation sociale, le rappeur de Houston préconise à tous une "soulful distance". Ce concept, en vérité, pourrait bien résumer toute sa musique : elle est à part, en marge des tendances, mais aussi attachante, émouvante, attendrissante. "Soulful".
Cloitré chez lui, le rappeur est morose. Il se lamente à propos de l'état du rap sur "To Each His Own". Soucieux d'avoir une vie de famille tranquille, il s'irrite de la jalousie de sa compagne sur "P.L.A.N.S.A". Et sur "Live and Let Live", il fait la leçon aux petits joueurs, en compagnie de deux autres vétérans de Houston, Slim Thug et Scarface. Il fait même un premier bilan de sa vie, la comparant à une course de fond rude et ingrate sur "Discouraged". Mine de rien, Devin the Dude est désormais quinquagénaire, et c'est donc bel et bien du rap de daron qu'il nous propose avec ce nouvel album. Mais du rap de daron cool qui fume de la weed. En contrepartie de ses moments de blues, le rappeur persiste avec son style de vie. Il passe du bon temps à ne pas faire grand-chose ("Nothin’ Really Just Chillin’"). Il s'adonne au sexe, de manière triviale ("My Left Nut Itch", "Just Ridin’ By"), romantique ("You Got No Time to Play", le très bon "A Good Woman") ou adultère (l'acoustique et le suave "He Don’t Have to Know"). Et bien sûr, il inhale sa substance préférée, avec ses vieux compères des Coughee Brothaz sur le titre "We Smokin’".
Cet onzième opus nous offre ce que nous avons toujours apprécié chez Devin the Dude : conçue avec l'aide de Blyne Rob, comme sur l'album précédent, une musique chaude emplie de rythmes souples, d'orgues généreuses et de guitares langoureuses. Une formule sans âge qui s'étend du boom bap à des sonorités plus modernes, accompagnée par une voix douce et par un rap chantonnant. Et le tout est agrémenté évidemment de touches d'humour, comme avec le gag téléphonique au début de "My Left Nut Itch", quand le rappeur appelle une assurance santé pour un problème de démangeaison au testicule, ou quand avec l'histoire de "BREAK-fast", il nous raconte combien il est périlleux de faire ses courses dans le ghetto. Comme toujours, c'est plaisant, c'est distrayant, c'est drôle. Et au fond, c'est du rap de gentil.
Sur "Soulful Distance", le titre, Devin the Dude exprime sa hâte que l'épidémie cesse, ainsi que son envie impérieuse de retrouver la route. Nous en sommes tous là, malheureusement. Mais avec cette nouvelle sortie du Texan, nous disposons en tout cas d'un solide remède à l'ennui.
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