L'essor de la UK drill suit de peu celui de son modèle de Chicago. C'est dès le milieu des années 2010 qu'il a lieu, au travers de 67 (prononcer "six seven"), le collectif aux frontières larges dont les membres centraux sont ASAP, Monkey, Dimzy, SJ, Liquez (prononcer "Leaks"), et bien sûr LD, celui qui en Angleterre lance la tendance du rappeur masqué. Fondé vers 2013, le groupe de Brixton Hill marque les esprits dès 2016 avec le succès du titre "Lets Lurk", délivré avec le grand parrain du rap anglais contemporain, celui qui lui a offert une alternative au grime : Giggs. Puis le groupe défraye la chronique en jouant au chat et à la souris avec la police, accusé par elle d'être une bande criminelle fortement impliquée dans le commerce de la drogue.
67, cependant, est déjà à son sommet un an avant la percée de "Lets Lurk", avec un projet présenté comme une mixtape, nommé d'après les emblèmes de la très violente UK drill (les "skengs", à savoir les armes à feu) et produit en partie par Carns Hill, l'architecte sonore de ce mouvement. Il compile de nombreux morceaux du groupe, délivrés dans ses multiples configurations, en duo, en trio, ou sur le mode du posse cut, avec les membres majeurs du collectif, ou avec des affiliés. In Skengs We Trust dévoile une musique déjà formée, inspirée donc par l'entêtante drill music de Chicago ("Smoke" évoque Chief Keef dans ses moments les plus théâtraux, "Six Gods" rappelle le G Herbo qui sample Dead Can Dance), mais nettement distincte avec ses accents anglais, son argot londonien mêlé de slang américain et sa musique électronique froide où l'on perçoit encore l'influence du grime, où s'entendent des sons similaires, mais alanguis, appesantis et plus menaçants encore, souvent soulignés par de dangereuses cloches, et dépourvus de leurs dernières attaches aux musiques de danse.
Une autre particularité est son thème, annoncé par LD dès les premiers mots de "PCD", au tout début de la mixtape : "67, ce n'est rien d'autre que de la violence". En effet, c'est bel et bien de cela dont il était question : de sang versé, d'armes à feu exhibées fièrement et de couteaux plantés dans le corps de leurs ennemis, de confrontation avec la police et avec les gangs rivaux (en premier lieu leurs voisins de 150), le tout sur fond de concoction et de trafic de drogue, et avec la prison comme horizon. "In Skengs We Trust" est rempli d'hymnes aux armes et à la brutalité, certains rudement efficaces et intimidants, comme le titre éponyme, ou encore "Them Man Know", "I Go, Gang Go", "Smoke" et "You don't Know". Avec eux, dès cette compilation de 67, le rap anglais change de génération, un mouvement important est lancé.
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