2019 aura été la première année, depuis la fin de la décennie 2000, où Starlito n'a proposé aucun projet. La raison de cette pause est exposée à travers le titre, la pochette et le jour de sortie (celui de la fête des pères) de son premier album depuis cette période blanche. Il l'est aussi sur "Girl Dad", un morceau interprété avec Jelly Roll et son compère habituel Don Trip, à propos de l'amour paternel. L'intéressé, en effet, a voulu faire une pause après la naissance de sa fille. Il n'est retourné en studio qu'en fin d'année dernière. Mais au bout du compte, c'est comme si rien n'avait changé, puisque le rappeur de Nashville, l'un des plus prolifiques qui soient, s'avère être aussi, plus que jamais, l'un de ses plus constants, qualitativement parlant.
Pendant qu'il s'adonnait au doux métier de père au foyer, Starlito n'est pas resté insensible à la marche du monde. Dès le premier titre, sur une musique trompeusement douce de BandPlay, c'est le sort de George Floyd qui est abordé, et plus globalement, celui des Afro-Américains. Puis il étend le propos à tout ce qui va de travers dans le monde, enlèvements, génocides et COVID, avant de clore, avec grand pessimisme, que manifestations et pillages n'ont jamais abouti à rien, que les slogans valent peu de chose quand les entreprises se les approprient, et que la situation n'est pas près de s'améliorer. "Je sais que je ne peux pas changer pas le monde, mais j'ai changé des couches", résume ainsi le jeune papa, sur "Safer At Home".
On l'aura compris. L'humeur de Starlito n'a pas changé. Le congé paternel ne l'aura pas rendu plus joyeux. "Je suis toujours déchiré et tourmenté", dit-il d'ailleurs, dans le refrain de ce même titre. Quant au morceau suivant, intitulé "I'm Back", il ne parle pas à proprement parler d'un retour triomphal, mais de celui à la réalité triste de la petite criminalité, les rêves de célébrité s'étant envolés il y a fort longtemps pour celui qui, autrefois, collabora avec Lil Wayne et bien d'autres. Il évolue toujours dans le même environnement, celui de la délinquance ("I Ain’t Living Right"), celui de beaux-parleurs auxquels il est difficile de se fier ("Talk to Me"), et même à la maison, tout n'est pas rose avec sa belle ("Heart On Defrost"). Il semble même que la naissance de leur fille n'ait fait que compliquer les choses, avec sa compagne ("Baby Mama Trauma").
Starlito ne contente pas de partager son éternel vague-à-l'âme. Il l'amplifie grâce à des sons adéquats, à l'aide d'une musique au profil bas, délicate, sans véritable tube, mais avec des bijoux de production comme ce "Driver's Seat" serti de voix féminines fantomatiques et de magnifiques orgues et guitares, ou encore le titre de fin, un "Daddy Issues" où le rappeur se confie longuement sur ce père qui l'a délaissé, s'interrogeant sur son propre rôle de parent, et plus généralement sur les dégâts causés par l'absence fréquente de figure paternelle dans les quartiers. Au terme de cet album, Starlito ne semble pas exalté par ce retour à la réalité, il ne nous revient pas rempli d'énergie. Mais c'est toujours ainsi qu'il a excellé, et qu'on l'a apprécié.
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