Au début des années 2000, alors qu’après "Big Pimpin'", leur collaboration avec Jay-Z, UGK change de statut, au moment même où il passe de grand groupe de rap sudiste à grand groupe de rap tout court, l’ascension du duo de Port Arthur subit un coup d’arrêt quand son rappeur et producteur Pimp C est jeté en prison pour une sombre histoire de menace avec arme. La flamme est maintenue par l’autre, Bun B, à travers sa carrière solo, mais ce n'est plus tout à fait pareil. Il manque à la formule sa dimension la plus abrasive, celle représentée par le rappeur incarcéré, dont la communauté rap commence à réclamer la libération à corps et à cris à travers la campagne "Free Pimp C". Un album solo sort, Sweet James Jones Stories, mais ce dernier est une compilation de morceaux enregistrés préalablement à son incarcération. Six mois après sa sortie, cependant, Pimp C peut enfin contenter ses fans avec un vrai album.
Et ce dernier remet le rappeur à sa place : au plein centre du Dirty South. La liste des invités, à cet égard, est édifiante. Outre Bun B bien sûr, tout Houston est là (J. Prince, Lil' Keke, Scarface et Willie D des Geto Boys, Mike Jones, Slim Thug, Z-Ro, Trae, Chamillionaire...), de même que quelques grands noms des scènes voisines de Memphis (Tela, 8Ball & MJG), de Baton Rouge (Webbie et Lil' Boosie) et de La Nouvelle-Orléans (Mannie Fresh). Comme son titre le laisse entendre, plutôt qu'un authentique solo de Chad Butler, Pimpalation est une compilation, une célébration. Pimp C y convie et se produit avec la quasi intégralité de ses rappeurs préférés. Et comme pour mieux signifier qu’il ne s’agit ici que du Sud, l’album est accompagné d’une version chopped & screwed, concoctée par le grand spécialiste du genre Michael "5000" Watts.
Il s'agit aussi d'un véritable album de sortie de prison, de son archétype même. Après avoir célébré sa libération sur "Free", sur un sample du 'Free Fallin'" de Tom Petty, puis rendu hommage à cette bonne vieille scène de Houston sur le très bon "Knockin Doorz Down", et avant de clore le tout par l'introspectif "I Miss You", un hommage à un oncle disparu, Pimp C reprend les choses là où il les a laissées. Sur une musique faite évidemment de country rap tunes, parsemée à l'occasion d'orgues poisseux, de guitares lascives et d'autres refrains chopped & screwed, il aborde les thèmes éternels, comme si de rien n'était : le commerce de drogue ("Rock 4 Rock"), la consommation de codéine ("Pourin’ Up"), la grande vie de proxénète ("The Honey", "Bobby & Whitney"), la rudesse des vrais bandits ("I Don't Fuck Wit U"), les belles bagnoles ("Working the Wheel"), les stripteaseuses (une version augmentée du "Like That" de Webbie), et les femmes volages à conquérir, sur "Cheat on Yo Man" et sur "On Your Mind".
Pimp C travaille sa légende. Il le fait tant qu'il autocite UGK, recyclant quelques vers issus du grand classique du duo Ridin' Dirty, voire de "Sippin on Syrup", leur collaboration avec Three 6 Mafia. Malgré cela, en dépit des nombreux invités, il manque toutefois une pièce essentielle à cet album : une présence plus systématique de Bun B, l'appui de cette voix lourde et profonde qui équilibre celle, aigre et agressive, de Pimp C. Mais cela sera vite corrigé quand, l’année d’après, le duo réuni sortira Underground Kingz, l’un des doubles-albums cultes de l’histoire du rap, le disque de la consécration, dont Pimpalation aura été en quelque sorte le prélude.
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