Superstar, Mr. Sche ne l'a jamais vraiment été. Le titre qui conviendrait le mieux au rappeur et producteur, c'est plutôt celui de légende. Ce dernier, en effet, a participé aux grandes heures de la scène de Memphis, quand celle-ci sortait à tire-larigot des cassettes d'anthologie. Il l'a fait au sein du groupe Immortal Lowlife, avec Mr. Quicksta, Pimpminista, Blue Boi et quelques autres. Et puis, dans les années 2000, il a bâti sa réputation underground en sortant des solos remarquables sur sa propre structure, Immortal Inc., et sur d'autres tout aussi confidentielles. Supastar, par exemple, est l'un de ses projets sortis via sa filière française, le label Junkadelic Music du très estimable Junkaz Lou, le DJ basé Gennevilliers et connu pour avoir accompagné des gens aussi divers que la rappeuse française Bams et le cinglé new-yorkais Kool Keith.
Un disque sorti sur un label français par une référence underground de la scène de Memphis. Voici ce qui, a priori, pourrait passer pour un objet anecdotique. Mais en réalité, Supastar est tout sauf cela. C'est tout d'abord un beau concept que nous dévoilait Mr. Sche. Derrière la pochette et la calligraphie dérivées du Superfly de Curtis Mayfield, il nous révélait un double-album placé sous l'égide du pimp, du maquereau, et dont les deux parties, Gangsta Pimpin' et Sex & Pimpin', étaient dédiées aux compétences dans lesquelles excelle ce personnage emblématique : respectivement, la délinquance et le sexe. Soit à peu près, les seuls thèmes dont traite toute la discographie de l'intéressé, qui pour de vrai a un passif en la matière.
Dans la première partie, si l'on excepte les accès de vulnérabilité et les commentaires sociaux de la fin, ceux de "Jesus" et des superbes "Im Just Tryna Get By" et "Have You Ever Seen God?", Mr. Sche est l'expert du proxénétisme. Il est le souteneur qui place l'argent avant ses employées, qui préconise de ne jamais s'en éprendre et qui exige d'elles le meilleur rendement. Et dans la seconde, il prend du bon temps avec elles. C'est cette moitié, celle que Mr. Sche dévoue aux plaisirs de la chair, qui est la plus marquante. Avec elle, on s'éloigne encore plus des ambiances noires et rudes de Memphis, et on chante avec des voix de coq châtré. Quelques morceaux club mis à part, comme "Farted Out" et "Back on da Flo" (à mettre dans la même catégorie que le bouncy "We Aint Talkin Bout Nuthin", dans la première partie), on se conforme pleinement à la musique satinée et lascive du modèle du jour, Curtis Mayfield.
Sur Sex & Pimpin', plus de coups de boutoir comme "I Know They Scared of Me!", plus d'hymne motivationnel comme "We On Our Way", mais plutôt de lents titres suaves façon piano-bar comme "Im Just a Pimp", où il est question de profiter du confort et de la volupté de la vie de maquereau. Les mélodies sensuelles et les paroles pornographiques envahissent l'espace, comme sur "You Look Like a Star", quand Mr. Sche rend hommage au sex appeal d'une fille peu farouche. Il nous expose son propre kamasoutra. Il nous vante ses prouesses sexuelles sur "Irresistable". Il se lance dans des duos érotiques avec des rappeuses, comme "Cant Stay Away", avec Choppa Girl. Il s'adonne au cunnilingus sur "Pussy Pussy", avec quelques compères et une dénommée Chocolate Bunny. Ou au contraire, il profite d'une fellation sur "Slow Motion Gurl", avec le renfort d'une certaine Peazy Baby. Et l'humour est toujours présent, comme sur "A Pimp For You", quand Mr. Sche passe en revue son équipe pluriethnique, à commencer, pour le paraphraser, par cette pute blanche au cul plat mais qui suce comme une pro.
C'est un long album fleuve que ce Supastar, rempli à ras-bord de morceaux (40, pas moins, pour deux heures et demie de musique). Et pourtant, c'est un projet cohérent, bien produit, avec peu de déchets, et qui ne s'essouffle qu'à la fin. Il est déraisonnablement encombré d'invités. Cependant, peu sont en trop. Quelques-uns des meilleurs morceaux en comptent plusieurs, comme l'excellent "Table Dance", avec Insane Mane, Pimp Dre et Al Kapone, autre légende de Memphis et vieux complice de Mr. Sche. Tout cela aurait pu être l'œuvre d'une véritable superstar, pour de bon. "Fuck the fame", cependant, dit le rappeur quand il ouvre le double-album. Baise la célébrité. Sa notoriété, il l'aura réservée à l'underground, et à ceux qui auront eu le bonheur irremplaçable de croiser sur leurs routes ce maquereau magnifique.
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