Cela fait maintenant une demi-décennie que Mozzy a gagné sa place parmi les rappeurs qui comptent. L'ancien Lil Tim a fait son entrée dans la cour des grands en 2015, avec son album Bladadah. C'est à partir de là qu'on l'a vu collaborer avec des figures comme YG, extérieures à la scène dont il est aujourd'hui le porte-drapeau, celle de Sacramento, puis côtoyer Kendrick Lamar, The Weeknd, Travis Scott et les autres sur l'album lié au film Black Panther. Et en 2020, on le voit franchir une autre étape avec Beyond Bulletproof, une sortie planifiée pour être sa grande oeuvre et où, au côté de ses acolytes habituels Celly Ru et E Mozzy, son frère, figurent des intervenants extérieurs, rappeurs de la scène drill et post-drill de Chicago comme G Herbo, King Von et Polo G, ou artistes émergents comme Shordie Shordie et le Floridien Lil Poppa.
Cet album est aussi le plus grand public que Mozzy ait enregistré. Les morceaux sont plus habillés que ses anciennes chansons rêches. Certains titres se montre sentimentaux, comme ce "So Lonely" dédié aux amis disparus, accompagné au refrain par le chanté-parlé triste de Shordie Shordie, le 03 Greedo de Baltimore, ou comme ce "Can’t Let You Go", accompagné des tirades R&B d'Eric Bellinger. Les mélodies sont nombreuses, comme avec la jolie guitare et le chant de Blxst sur "I ain't Perfect", ou les murmures suaves du titre final, "Big Homie From the Hood". Le rappeur s'essaie même au chant, timidement, sur le refrain de "Bulletproofy".
Cependant, Mozzy demeure Mozzy, ce garçon né prématurément d'une mère accroc au crack, élevé par sa grand-mère Black Panther, puis devenu délinquant juvénile dans l'une des villes, sa capitale, les plus violentes de Californie. Malgré la douceur amère de "Pricetag" et de sa belle guitare latine, c'est bel et bien de meurtre dont le Californien s'entretient avec Lil Poppa et Polo G. C'est encore de violence qu'il est question sur "Off the Muscle", avec Celly Ru et E-Mozzy. De sa voix râpeuse caractéristique, ce disciple revendiqué de The Jacka, fait part de la vie rude de gangster, mais sans fantaisies ni glorification. Il le fait dès l'introductif "Unethical & Deceitful", où il est question tour à tour d'assassinats, de mères célibataires et de pères absents, d'amis disparus, et de sa tante qui a décroché de l'héroïne mais qui reste dépendante au crack, concluant après tout cela qu'il ne sera pas Jésus, qu'il ne tendra pas l'autre joue.
C'est d'une violence sans issue dont Mozzy nous parle sur "Body Count", avec cet autre grand pessimiste qu'est G Herbo. C'est de l'impossibilité de s'appuyer sur qui que ce soit, sur "Betrayed". Sur "Bulletproofy", il est question de cette souffrance morale à laquelle on prétend être immunisée, sans pourtant jamais l'être tout à fait. Sur "Overcame", qui décrit le cercle vicieux infernal des habitants du ghetto, le propos est fataliste. C'est le portrait des mêmes damnés, ceux du quartier, qui est brossé sur "Big Homie From the Hood". Et sur "I Ain’t Perfect", le rappeur est au fond de la dépression. Ce sont des paroles noires, des témoignages sur une vie sans issue et sur des horizons bouchés, mais avec les atours qui font de Beyond Bulletproof peut-être le meilleur, et à coup sûr le plus accessible, des albums de Mozzy.
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