La décennie 2010, Max B l'aura donc passée enfermé, suite à une lourde condamnation pour complicité de meurtre. Par la force des choses, l'un des rappeurs les plus prometteurs de la fin des années 2000 s'est tu. Cependant, son souvenir a été entretenu. Son seul album, Vigilante Season est sorti alors qu'il était déjà incarcéré, et quelques autres mixtapes sont apparues pendant sa détention, jusqu'à Wave God en 2016, avec son fidèle complice French Montana. La plupart du temps, ces sorties recyclaient des morceaux enregistrés pendant les courtes années de liberté de Max B, mais on a pu l'entendre malgré tout dire quelques mots sur le Life of Pablo de Kanye West, et il a pu sortir un nouvel EP en 2019, House Money, avec le concours de son vieil ami Cam'ron, de Jadakiss, de Dave East, d'A Boogie Wit da Hoodie et d'A$AP Ferg.
Cependant, le projet ultime de Max B pourrait bien être celui apparu tout récemment, Wave Pack. Il apparaît comme la longue compilation (26 titres, plus de 100 minutes) des meilleurs morceaux issus des nombreuses mixtapes sorties entre 2007 et 2009, celles des séries Public Domain et Million Dollar Baby. Seuls deux titres ici sont des inédits, les premiers de l'album ("Phenomenon" et "Run Homeboy Run", tous deux de très bonne facture), et aucun n'est une collaboration, hormis le grand "Dead Solver", avec Mak Mustard. Pour tous ceux qui ne connaîtraient pas encore le rappeur de Harlem, il est donc l'occasion, juste avant une sortie de prison finalement prévue pour 2021, de se plonger dans son univers, de découvrir son rap marmonné caractéristique, d'entendre ces chants qui peuvent même prendre tout l'espace d'un morceau (comme la lamentation de "Baby I Wonder"), d'écouter ce ton à la fois plaintif, vantard et humoristique qui n'aurait pas dépareillé dans le rap de la décennie suivante.
Il semble qu'un parti-pris thématique ait prévalu, dans la conception de cette compilation. La première moitié est avant tout consacrée aux filles. On peut-on y entendre Max B partager une vision gangsta de l'amour et du sexe sur "I Gotta Habit", "Why You Do That", "I'm so High" et "Give Dem Hoes Up", puis s'entretenir du même sujet dans une posture plus vulnérable, celui de l'amant trompé ou comblé sur "Baby I Wonder", sur l'instru chipé à Destiny's Child par "Sexy Love", sur "Porno Muzik" et sur "Live Comfortable". La seconde partie, elle, se consacre à Max B le garçon des rues. On l'entend partager son amour pour l'argent sur "Money Makes Me Feel Better", évoquer ses problèmes de riche sur "Where Do I Go (BBQ Music)", écumer son quartier sur "Deez My Streets" et "Picture me Rollin'", et parler des tragédies de sa vie (une mère junky, un père qui l'a délaissé, une grand-mère morte quand il était en prison) sur "First of the Month". Et de temps en temps, sur "Try Me", "Blow me a Dub", "Eye for an Eye", "Boss Don", "Lip Sing", "Lord is Tryin' to Tell You Something", "Don't Take it Personal" et "Dead Solver", il est dans la bravade et la confrontation, avec Jim Jones et Juelz Santana comme cibles privilégiées.
Tous ceux qui ont saigné les mixtapes de Max B ont leurs favoris. A coup sûr, tous auront un avis sur quels morceaux il fallait inclure ou non à cette compilation, et à quel endroit. Cependant, il y a un point sur lequel tous devraient s'accorder : il fallait bel et bien placer "Never Wanna Go Back" à la toute fin de Wave Pack. Il n'était pas le seul titre où Max B se plaignait de l'injustice de sa condamnation. Il l'exprimait aussi sur "Lord is Tryin' to Tell You Something", quand il rappelait qu'il n'était même pas présent sur la scène du crime dont il était accusé. Mais sur ce morceau issu de Walking the Plank, son ultime mixtape avant l'emprisonnement, son chantonnement caractéristique devenait la complainte déchirante de celui qui craignait de retourner en cellule, devinant que ce serait là la fin de tout, et que Max B ne vivrait plus que par l'écoute éternelle de telles perles. En attendant, pourquoi pas, d'entendre les inédits d'un rappeur au talent préservé, quand il réapparaîtra l'année prochaine.
1 De Thibault -
Merci pour la chronique.
Petite coquille dans le dernier paragraphe : "à la tout fin" il manque un "e".
2 De codotusylv -
@Thibault : Merci pour la relecture, corrigé !