Quelle a donc été la grande année de Gucci Mane ? Est-ce 2016, celle où, sorti de prison et reconnu comme la principale influence de la génération actuelle, il faisait enfin l'unanimité ? Ou bien est-ce le début de la décennie 2010, par procuration, quand se sont illustrés ses disciples du 1017 Brick Squad, les Waka Flocka Flame, OJ da Juiceman, Young Thug, Young Scooter, et même Chief Keef ? Ou alors sont-ce ces années folles qu'ont été 2008 et 2009, quand il a inondé le marché avec ses mixtapes, notamment Writing on the Wall, ses deux The Movie avec DJ Drama et la série des Cold Wars ? Ou est-ce tout bonnement 2006, l'année de Chicken Talk, la première des mixtapes qui ont fait sa légende, pour beaucoup sa meilleure ?
Cela pourrait tout aussi bien être 2007 quand, à la suite de Chicken Talk, Gucci Mane décide que le format mixtape lui va décidément très bien et qu'il se met à en sortir à tire-larigot. Pas moins de cinq seront disponibles cette année-là, à commencer par Ice Attack. Avec une fois encore le soutien décisif de Zaytoven, auquel le rappeur rend un hommage appuyé en introduction (et celui du moins illustre Dutty Laudry, un homme reconverti aujourd'hui en DJ de mariages), avec à nouveau ces petites mélodies de poche qui font dodeliner de la tête, cette autre sortie gratuite s'efforce de prolonger le plaisir de la précédente. Elle est dans son prolongement. Zaytoven, d'ailleurs, ne s'y trompe pas. Il l'a incluse un jour dans son tiercé des mixtapes de Gucci Mane, aux côté de Chicken Talk et de EA Sportscenter.
Comme d'autres mixtapes en ce temps-là, on y trouve les mêmes titres que sur d'autres projets. Il y a "Alligators" et l'increvable "Stupid", qui étaient déjà sur la précédente. Et il y a "Cuttin' Off Fingaz" qui figurera deux ans plus tard sur l'album Murder Was the Case. On y trouve aussi deux autres titres légendaires du maître, qui tous deux mélangeaient drogue et histoires de filles : "Freaky Gurl", avec son numéro de bourreau des cœurs et son clin d'œil au "Super Freak" de Rick James ; et "Pillz", avec son refrain tellement culte ("bitch I might be") que les versions futures du titre seront nommées ainsi. On prétendra même que Gucci Mane, au cours d'un procès ultérieur, aurait répondu par ces mots au juge l'accusant de méfaits.
Ces morceaux, on les retrouve l'un comme l'autre sur deux albums officiels de Gucci Mane, celui d'avant, Hard to Kill, et celui d'après, Back to the Trap House. Mais comme le veut la règle, c'est dans l'ambiance générale d'une mixtape qu'ils s'épanouissent le mieux. C'est là qu'ils dévoilent leurs meilleures saveurs. Et quand ils existent sous une autre version, c'est celle de Ice Attack qui demeure la meilleure. Pas encore de Lil' Kim ou de Ludacris ici, comme sur une déclinaison future de "Freaky Gurl". Aucune trace de The Game ou de Shawnna, comme sur celle de "I Might Be". Mais à la place, des seconds couteaux tombés dans l'oubli, comme la rappeuse Mac Bre-Z, qui a été un temps sa compagne. Et quand bien même la plupart de ces supplétifs n'ont pas le talent du principal intéressé, on n'y perd rien au change.
D'autant plus que les autres titres, quoi que moins mémorables, sont plus drôles et plus entêtants les uns que les autres. Ils valent le déplacement, que l'on parle des vantardises sans queue ni tête de "Way We Crazi", de la célébration des talents de grand chef es-drogues de Gucci Mane sur "Hold Dat Thought" (un autre morceau recyclé sur Hard to Kill). Jugement identique avec ce "Work Ya Wrist" qui reprenait le titre et le concept d'un morceau de Chicken Talk, le rappeur d'Atlanta, bien avisé, se souciant comme d'une guigne de se renouveler. En 2007, nous y étions donc, la machine Gucci Mane était lancée, elle s'était mise en pilotage automatique, elle approchait de sa vitesse de croisière. Et elle ne s'arrêterait pas de sitôt.
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