Au cœur des années 2000, la Three 6 Mafia est au sommet de sa gloire. Depuis le début de la décennie, tous leurs albums se vendent bien, et leur musique a été couronnée par cet improbable Oscar de 2006. Certes, logiquement, avec le succès, leur rap scandaleux et infréquentable s'est affadi. Cependant, au terme de ces dix années, Juicy J et DJ Paul manifestent l'un comme l'autre un désir de retour aux sources.
Pour le premier, cela se concrétise par l'album Hustle Till I Die, puis prend la forme de ses mixtapes, notamment les deux volumes de Rubba Band Business. Et pour le second, cela se traduit par la création de son label Scale-A-Ton Entertainment, et par la sortie de l'album solo du même nom.
Car c'est bien de cela qu'il s'agit, d'un retour aux origines.
Dès l'introduction, DJ Paul se met en scène en train de boire de l'alcool, de fumer un joint, de sniffer de la coke, puis de se tirer une balle. Nous sommes donc bien dans le monde des excès et de l'immoralisme, celui où aucune limite n'est fixée aux paroles, celui où dominent le sexe, la défonce, la baston, les armes à feu et l'argent dilapidé, le tout assaisonné d'une bonne dose d'humour, comme sur cet "Internet Whore" où DJ Paul se révèle déçu par un bon coup arrangé sur le Web.
A un mielleux 'Wanta Be Like You" près, la production renoue aussi avec l'ambiance sombre, sale et dangereuse des débuts de Three 6 Mafia. Dès "You On't Want It", DJ Paul lâche les Valkyries, et elles ne s'arrêtent plus. Elles s'égaient sur des beats théâtraux, des synthés vibrionnant, des guitares venimeuses, des pianos macabres et des boucles sépulcrales, agrémentés de chants barbares répétitifs et entêtants.
Ses débuts à la fin des années 80, DJ Paul les avait faits avec Lord Infamous, au sein du duo Serial Killaz. Or, c'est aussi sous cette configuration qu'il enregistre Scale-A-Ton, son frère étant sur la moitié des titres. Et c'est sa première bonne idée. DJ Paul n'a jamais été le rappeur du siècle. Si sa grosse voix rauque de méchant fait son petit effet, il serait épuisant de l'entendre beugler non-stop sur la totalité des vingt titres. Mais ici, Lord Infamous le complète d'un rap plus habile, avec son flow rapide et son aptitude pour les rimes internes.
L'autre bonne idée de DJ Paul, c'est d'exploiter au mieux son talent principal, celui de producteur. C'est bien simple, chaque titre ici, enchainé sans pause avec le suivant, a le potentiel d'un tube. Presque tous sont des hymnes furieux, tout aussi magnifiques que maléfiques. Il n'y a rien de plus à demander à DJ Paul, rien d'autre à lui réclamer sur ce Scale-A-Ton réussi. Le rap, toujours, devrait ressembler à cela.
Fil des commentaires