Cutthroat, c'était la rappeuse V-Slash et le rappeur Lil Reno, un duo de la seconde vague du rap de Memphis. Mais avec ce projet, The Takeova, c'était en fait beaucoup plus que cela. Quand une année plus tôt, DJ Kay Slay et DJ Smallz avaient sorti une mixtape sous ce nom, c'est en fait Juicy J et Project Pat qui étaient aux commandes. Et ils étaient cette fois encore massivement présents, à tel point que ce projet était aussi, voire principalement, le leur. Plus globalement, même si quelques intervenants extérieurs étaient conviés comme Slim Thug et Twista, cet album de 2010 où l'on retrouvait aussi Lil Wyte et l'ensemble de la Three 6 Mafia, était un état des lieux général de toute l'écurie Hypnotized Minds, au tournant de la nouvelle décennie.
Et elle était en forme cette écurie, en ce temps-là. L'année d'avant, après avoir connu un large succès public, Juicy J était revenu avec réussite à ses fondamentaux avec l'album Hustle Till I Die. Et au-delà de son cas, c'était toute la scène de Memphis qui retrouvait la vitalité et l'entrain de sa jeunesse sauvage, alors même que s'amorçait toute une vague revivaliste au sein de la nouvelle génération rap, avec l'émergence à venir de SpaceGhostPurrp et de son phonk. Cette nouvelle effervescence, The Takeova la capturait à merveille le long de ses 74 minutes, avec ses allures de semi-compilation. Hormis "I.T. Pimpin'", une collaboration avec Slim Thug dont la musique ressemblait plutôt à celle de son Houston natal, c'était du pur son de Memphis.
On redécouvrait l'ambiance sépulcrale du rap original de cette ville sur l'ode à la défonce "I Pop Beans". On y retrouvait un Juicy J fier sur l'hymne "Blowin' On Dat Kush", triomphal sur la superbe conclusion de "Yao Ming" et plus belliqueux que jamais sur ce "Gutta Bruh" qui employait habilement un sample de Gucci Mane. On avait droit à des morceaux clubs et entrainants comme "Dancin' Niggaz" et "Twerk", ou à de vicieuses odes au sexe oral comme "Lick It Good". Et cela était parsemé de beaucoup, beaucoup, beaucoup de drogue, lean sur "Thowed Off", ou came californienne sur le magnifique "Cali High". Le tout sans jamais se départir de l'hédonisme radical, de l'agressivité congénitale et du nihilisme total qui, de tous temps, auront fait les meilleurs morceaux de tous ces gens. Sans aucun doute, V-Slash, Lil Reno, Project Pat, Juicy J et les autres livraient ici un classique tardif de la scène de Memphis.
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