Le premier album de Queen Pen, My Melody, est un disque honnête, mais il n'a sans doute pas rempli toutes les ambitions de la New-yorkaise. Lynise Walters, en effet, pouvait espérer mieux. En 1997, elle venait tout juste de connaître indirectement le succès en rappant avec Dr. Dre sur le "No Diggity" de Blackstreet, le single qui, en 1996, avait détrôné la "Macarena" des charts américains. Et elle avait été signée par le membre le plus éminent du fameux groupe R&B, Teddy Riley, sur son label Lil' Man. Cet album et le suivant, cependant, ne suffiront pas à en faire une star durable. Plus tard, comme pour donner raison à son pseudonyme, elle se tournera vers l'écriture de romans, et ce sont ses deux fils qui se mettront au rap à leur tour.
My Melody porte la marque de Teddy Riley, qui en était le principal producteur, et auquel Queen Pen rendait hommage sur le titre "Man Behind the Music". Le grand artisan de la convergence entre hip-hop et R&B contribuait à lui apporter une coloration très pop avec ses sonorités souples et ses voix toujours veloutées, qu'elles soient masculines ou féminines. Cette option grand public était confirmée par les thèmes abordés : "Queen of the Click" était un égo-trip bon enfant ; "Party Ain't A Party" nous parlait de la vie en club ; "It's True" jouait sur la corde émotionnelle quand Queen Pen retraçait son expérience dans le 'hood. Et l'amour était un sujet récurrent, comme sur "All My Love", où la rappeuse évoquait ses premiers émois, sa toute première fois, et sur "Get Away", où elle disait s'émanciper d'un amant abusif.
Signe des temps, à la manière de Puff Daddy ou des Fugees à la même époque, Queen Pen allait au-delà du sample pour réinterpréter à sa sauce des standards de la variété internationale et afro-américaine : le "True" de Spandau Ballet sur "It's True" ; le "Voyage to Atlantis" des Isley Brothers sur "I'm Gon Blow Up" ; le "Never Too Much" de Luther Vandross sur "All My Love" ; et le "In The Air Tonight" de Phil Collins sur "Get Away", décidément l'un des morceaux les plus samplés dans l'histoire du rap. Cependant, si l'on se souvient de temps à autre de Queen Pen et de son premier album, ce n'est pour aucun des titres cités jusqu'ici.
A première vue, "Girlfriend" était un morceau banal. Il s'agissait, avec humour et légèreté, de se moquer d'un homme qui s'était fait voler sa petite amie. Cependant le voleur en question, incarné par Queen Pen, s'avérait être en fait une voleuse. Pour la première fois, semblait-il, le rap parlait d'homosexualité sous un jour positif et riant. Qu'importait la véritable orientation de l'interprète (des années plus tard, après avoir entretenu l'ambiguïté, Queen Pen confirmerait être hétéro) ou celle de la chanteuse néo-soul Meshell Ndegeocello (quant à elle ouvertement bisexuelle) qui l'accompagnait et dont elle avait emprunté le refrain : le morceau suffirait à provoquer l'ire homophobe de Foxy Brown, qui prendrait Queen Pen pour cible sur les titres "10% Dis" et "Talk to Me". "Girlfriend" était un manifeste osé de liberté sexuelle, ainsi qu'une critique des hommes volages, dont la rappeuse calquait le vocabulaire rude. Et pour cela, il était une étape marquante dans la longue marche des rappeuses vers l'émancipation.
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