Le monde du rap de rue est cruel. C'est un panier de crabes. Il grouille tant, ses aspirants stars sont si nombreux, ses formules sont si génériques, ses thèmes si bateau, qu'il est souvent ardu de s'extirper du lot, tout spécialement quand on vient d'une scène aussi obscure que celle de St. Petersburg, dans la banlieue de Tampa. Aussi Project Youngin a-t-il mis les bouchées doubles quand il a voulu lancer sa carrière.
Rasheed Jamaal Hall a mobilisé rien de moins que 500 000 dollars pour parvenir à ses fins. Il a sorti des mixtapes à tire-larigot et il a mobilisé quelques figures du rap du Sud : Lil Baby sur "Balmains", YoungBoy NBA sur "Biggest Blessing", Ralo sur "Family Eats". Conscient qu'un rappeur gangsta se doit de faire les gros titres des faits divers, il a posté sa photo sur Instagram après avoir été attaqué par des chiens policiers. Il a aussi simulé sa mort sur la vidéo de "Thug Souljas".
Et cela a fonctionné. A force, Project Youngin s'est créé un public conséquent sur les réseaux sociaux. Et au fond, il le mérite, comme le montre cette dernière mixtape crânement nommée d'après le grand classique de Young Jeezy et sortie en duo avec DJ Swift, sous le nom logique de Project Swift.
A première vue, Thug Motivation 101 n'offre rien de neuf sous le soleil chaud de Floride. Voici à nouveau un gangster, élevé dans la paranoïa de la rue ("No More Losses"), livré à la jalousie et à l'envie de ses pairs ("Fall Off"), et qui, dans la violence et avec agressivité ("Be Quiet"), s'adonne au difficile labeur d'une vie criminelle ("Dat Check", "Not Time").
Voici un jeune homme qui nous explique ne venir de rien, et n'avoir rien à perdre à tenter le diable ("From The Bottom"). Voici un garçon qui nous conte ses amours du ghetto avec l'appui de chanteurs R&B ("On My Way"), à grand renfort de considérations pornographiques ("Lick U Up n’ Down"). Voici encore un rappeur qui chante, qui fait part la gorge nouée de ses chagrins de mauvais garçon ("I’m Still Here") et qui cherche désespérément l'amour ("AM Vibez").
Tout cela s'étale sur une musique qui ne sort de la routine que pour la ritournelle latine du faiblard "Dat Check" et la guitare funky de "Thug Motivation". Toutefois c'est bien.
Les treize morceaux qui se succèdent à toute allure sur Thug Motivation 101 sont idéalement courts avec leurs trois minutes maximum, et ils sont irrésistiblement mélodiques. Ils sont relativement homogènes, même si quelques-uns se distinguent, comme "On Everything" avec ses chants déchirants, ou le tube "Nobody Like Myself", cette invitation à triompher de l'adversité qui était déjà l'an passé sur l'album Group Home Living, mais dont on ne se lasse pas un instant.
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