Ça y est. A présent, la campagne marketing est derrière nous, la furie médiatique s'est apaisée, les gens sont passés à autre chose. Si ce n'est dans les bilans de fin d'année, où ils figurent le plus souvent en bonne place, on parle moins de PNL et de leur dernier opus. Aussi, dans le calme et dans la quiétude, n'y a-t-il pas de meilleur moment pour se pencher enfin sur Deux frères, quitte à répéter ce qui a déjà été dit.
Car en toute circonstance, c'est sur la longueur que s'apprécie la musique de la fratrie de Corbeil-Essonnes. C'est rarement dès la première écoute qu'elle se dévoile pleinement. Et comme le dit le slogan même du présent blog, il n'y a jamais d'urgence à parler d'un bon disque. Si celui-ci est satisfaisant à sa sortie, il devrait l'être autant six mois après.
Or, satisfaisant, Deux frères l'est. Certains se risquent parfois à renouveler leur musique, à se réinventer, à faire de chaque album un nouveau manifeste. Mais les rappeurs de PNL, eux, préfèrent bâtir sur leurs acquis et suivre la même voie, celle du spleen de mauvais garçons. Sur cet opus, quelques évolutions s'observent, mais elles sont organiques, logiques, naturelles. Elles ne font qu'accentuer celles déjà observées sur le précédent album, Dans la légende. Elles ne font qu'éloigner toujours plus cette musique du rap pur et dur.
Leurs titres, autrefois atmosphériques, sont désormais simplement mous. En jouant de la guitare sur les temps forts que sont "Au DD", "A l'ammoniaque" et "La misère est si belle", du funk rétro et estival sur "91's", de la musique latine sur "Hasta la vista", ils fricotent avec la variété plutôt qu'avec le rap américain, même s'il les influence toujours, comme le prouvent le rap foufou et les onomatopées entendus sur la suite formée par "Shenmue", "Kutu Ubud" et "Menace", des formules que ne renieraient pas Young Thug et ses disciples.
Les paroles suivent la même pente. Les références à l'univers de leur enfance, Dragon Ball et Le livre de la jungle en tête, sont encore présentes. Mais elles sont moins marquantes, moins appuyées, comme mécaniques et automatiques. Le deal de drogue est toujours abordé, son jargon envahit toujours autant leurs textes, le client vé-Her est encore évoqué et les mots sont toujours ceux, rudes et grossiers, des cités. Mais tout cela figure en arrière-plan, c'est conjugué au passé.
Ce qui demeure, c'est le spleen, mais il est plus abstrait, désincarné, généralisé. Ce que nous disent les frangins quand ils s'expriment en haut de la Tour Eiffel, c'est qu'ils ont atteint l'Himalaya, c'est qu'ils ont fait le million, mais que cela n'a rien guéri de leur mal-être. Rien n'a changé dans leur putain de tête, disent-ils sur "Autre monde". Seule demeure la détresse sentimentale, celle qui empêche l'amour d'être pur ("A l'ammoniaque"), celle qui ne se soigne qu'en famille, comme le rappelle la belle ode à l'amour fraternel qui nomme l'album. Le peu de hargne qui leur restait disparaît sous une musique plus atone, apathique, neurasthénique.
C'est patent avec la conclusion plutôt morne de cet album qui n'en finit pas. C'est évident avec cette musique en berne que le duo ne prend même plus le soin d'animer, à mesure qu'on avance dans Deux frères. Les singles et les titres saillants, "Au DD" ou "A l'ammoniaque", ont tous été placés au début. Après ces tours de force, l'intensité de PNL ne se retrouve plus que sur "Déconnecté". Abattus, défaits, comme assommés, Ademo et N.O.S en viendraient même, sur "Chang", "Coeur" et "La Misère est si belle", à regretter le temps perdu à attendre le client dans les halls d'immeuble.
Et pour un peu, malgré les indéniables réussites que contient ce très (trop) long Deux frères, on serait nous aussi à deux doigts de pleurer le temps des incroyables révélations qu'avaient été, autrefois, Que la famille et Le monde chico.
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