A force de se pencher sur tous ces rappeurs captivants que Detroit dégurgite sans arrêt, on en oublierait presque ceux par qui tout a commencé. Or, parmi ceux-là, figure incontestablement Payroll Giovanni. Certains vous diront qu'ils suivent cette scène depuis Blade Icewood, mais en vérité, c'est quand les Doughboyz Cashout ont été parrainés par Jeezy que l'on a commencé vraiment à s'y intéresser. Or, au sein de ce groupe, comme il allait le démontrer avec l'excellent Stack Season, Dior Giovanni Petty surnageait. A tel point qu'il a maintenant rejoint Def Jam, après avoir élargi son public grâce aux deux projets Big Bossin, avec Cardo.
Ces collaborations ont accru la notoriété du rappeur. Mais à vrai dire, elles ont été un peu en contre-emploi. Avec leur production plus ensoleillée, elles ont été infidèles au son glacial qui caractérise Payroll Giovanni et sa ville. En début d'année, cependant, January 30th a marqué un retour réussi à la formule originale : celle qui sied au profil de ce rappeur qui, sur le percutant "Rap Shit", prétend qu'il n'a au fond rien à faire du rap, que son truc c'est le crime et la délinquance, et qu'il peut s'enrichir en un instant. Celle, sèche, dure, et nerveuse, qui se consacre au thème de la réussite matérielle, le seul ou presque de ce projet de huit titres.
Chaque morceau décline ce sujet. Sur "Keep Count", par exemple, Payroll Giovanni dit préférer la richesse à la célébrité. Sur "Do What I Do", il est un nabab qui achète des Benz comme d'autres achèteraient des chaussures. Sur "Boss Shit", il se dépeint en parrain du ghetto, détesté par certains de ses proches, mais respecté de ses ennemis. Sur "Still Run The City", le propos est toujours le même, mais appuyé par trois autres rappeurs. Et quand Payroll Giovanni tombe amoureux sur la chanson R&B syndicale, "On Her Own", c'est parce que la femme de ses rêves se montre pleine aux as.
Le seul moment où l'argent passe à l'arrière-plan, c'est sur "Decent", un titre final sans pause ni refrain, où Payroll Giovanni brosse son portrait, celui d'un garçon de la rue, mais doté de valeurs, fidèle aux siens et la conscience tranquille.
Il y a un côté rétro dans la musique tendue et les nappes de synthé que Payroll Giovanni affectionne. Celle-ci a des réminiscences de la période bounce et de l'époque où l'on parlait de rap bling-bling, une définition qui convient parfaitement au sien. Cependant, il n'y a pas une once de passéisme.
Au contraire, tout sonne actuel et pertinent, surtout quand s'y joignent des moments décisifs, tels que le jeu à deux auquel l'intéressé se livre avec Chaz Bling, sur "Do What I Do", ou bien cette litanie de tout ce qu'il cherche à améliorer dans sa vie, sur "Upgrade", ou encore le piano de ce "Rap Shit" décidément si efficace, le morceau le plus lent et le plus posé de ce January 30th, et pourtant le plus mémorable.
Fil des commentaires